Vélo & Territoires

Inscription à la newsletter

Accueil Actualités ÉVA-VÉLO, la méthode opensource pour évaluer les retombées économiques des véloroutes

ÉVA-VÉLO, la méthode opensource pour évaluer les retombées économiques des véloroutes

Il est frais, il est beau. Vélo & Territoires vient de publier le guide ÉVA-VÉLO qui détaille et simplifie la méthode EuroVelo 6 élaborée en 2006 pour évaluer la Véloroute des Fleuves et utilisée depuis par des dizaines d’autres territoires. ÉVA-VÉLO constitue LA méthode standardisée par laquelle les études de retombées établiront progressivement le poids économique national et européen du tourisme à vélo. Pour la première fois, Vélo & Territoires donne accès à la « boîte noire » de cette étude. Ce nouveau livrable a été réalisé dans le cadre du projet européen AtlanticOnBike et de l’étude des retombées économiques de l’EV1 – La Vélodyssée®. “Nous avons traduit des fichiers Excel dans un guide détaillé et librement accessible pour faciliter la mise en œuvre et stabiliser la méthode“, explique Stéphanie Mangin, cheffe de projet Observation du vélo chez Vélo & Territoires. Pour mieux appréhender cet outil, Vélo & Territoires propose deux webinaires : l’un à destination de tous les intéressés le 28 mai, l’autre à destination d’experts de l’observation et des consultants le 25 juin 2021.

De l’EuroVelo 6 à ÉVA-VÉLO

L’évaluation de la fréquentation des itinéraires cyclables n’est pas une chose nouvelle en France. Depuis 2006, la méthode EuroVelo 6 essaime sur les territoires et a été appliquée à plus de dix reprises. Pour mettre en œuvre ces enquêtes, les territoires et consultants disposaient d’un guide assez générique et n’intégrant pas les retours d’expériences. Face à l’importance du sujet de l’évaluation, l’édition d’un document détaillé et la standardisation des traitements devenaient nécessaires. Vélo & Territoires a saisi l’opportunité du projet européen AtlanticOnBike pour se lancer dans ce défi. Résultat ? Après trois ans de travail et la bonne volonté des collectivités partenaires de La Vélodyssée, des cabinets Inddigo et Symetris, Vélo & Territoires est en mesure de vous présenter ÉVA‑VÉLO : un guide méthodologique détaillé et transparent qui, nous l’espérons, sera le moteur de l’observation du tourisme à vélo pour les collectivités françaises et pourquoi pas ailleurs en Europe.

ÉVA-VÉLO est un document de méthode qui s’appuie sur l’étude menée sur La Vélodyssée en 2018, mais pas seulement. Dans le cadre du projet AtlanticOnBike[1], Vélo & Territoires a œuvré aux côtés de l’Université de Lancashire et d’Eco-Compteur pour définir une méthode d’observation transnationale fortement inspirée de l’expérience française. Les retours des partenaires impliqués dans ce projet d’envergure ont également été une source de réflexion. Le décorticage des calculs a précédé la rédaction et l’explicitation de la méthode. De nombreux choix ont dû être faits pour fiabiliser les résultats obtenus. Ces choix ont été réalisés de façon collégiale, dans le cadre d’un comité de relecture de la méthode. Cette instance composée d’experts de l’observation, des consultants d’Inddigo et de Symetris et également de la Fédération européenne des cyclistes (ECF) a été sollicitée de multiples fois lors de la rédaction du guide. Le 29 septembre dernier a marqué le point d’orgue de la démarche avec une réunion permettant de statuer sur les dernières interrogations et de mettre un point final à la rédaction. L’implication de l’ECF, espérons-le, permettra de faciliter l’interopérabilité de la méthode française avec l’échelon européen.

Un guide c’est bien, mais des outils pour faciliter sa prise en main, c’est encore mieux ! Partant de ce principe, Vélo & Territoires a assorti ce document de référence de différents éléments : fichiers et questionnaires types, dictionnaire des variables… Bref, une véritable boîte à outils est mise à la disposition de tous. Elle sera prochainement complétée par un outil de détection d’anomalies dans les questionnaires. ÉVA-Scan de son petit nom, permettra de faciliter le nettoyage des données d’enquête et de gagner un temps précieux dans cette phase.

In fine, le guide ÉVA-VÉLO vise à ce que tous les itinéraires soient évalués sur la même base et à faciliter la mise en œuvre des études de retombées. Le projet s’arrête-t-il là ? “Non, le but ultime est, avec l’accord des structures concernées, de reverser les données dans une base de données centrale. Cela permettra de construire une vision nationale de ce qui se passe sur le tourisme à vélo. Autre avantage, les territoires et itinéraires pourront se comparer les uns aux autres“, commente Stéphanie Mangin.

© La Vélomaritime – Emmanuel Berthier

Un contenu riche pour tous

Les 116 pages du guide ÉVA-VÉLO peuvent impressionner, mais son découpage en quatre parties et plusieurs annexes entend faciliter la lecture. Les deux premières parties se concentrent sur les enjeux, les apports et les techniques de collecte de données et s’adressent à toute personne intéressée par le sujet : élus et techniciens de territoires, coordinateurs d’itinéraires, comités de tourisme régionaux et départementaux, etc. Les deux dernières parties détaillent des formules et des techniques d’extrapolation des données. Elles ciblent avant tout les experts des études et des statistiques.

Que retenir ? La méthode permet de :

  • mieux connaître les usagers des itinéraires, en termes d’âge, de catégorie socioprofessionnelle ou encore de type de pratique du vélo ;
  • mesurer leur niveau de satisfaction concernant les aménagements, les équipements et les offres tout au long de l’itinéraire ;
  • connaître la fréquentation de l’itinéraire en continu et observer son évolution ;
  • calculer les retombées économiques, aussi bien directes (somme des dépenses des cyclistes sur le territoire), qu’indirectes avec la mesure d’externalités sur la santé publique, l’environnement ou l’industrie du cycle.

Sur le terrain, quatre outils complémentaires de collecte de données sont déployés, à commencer par les comptages automatiques, véritable pilier de la mesure des fréquentations. Le guide décrit les différents types de compteurs et leur coût, et précise les conditions idéales d’installation et d’emplacement. Mais les comptages automatiques ne suffisent pas, notamment pour qualifier les types de cyclistes (itinérants, sportifs, loisirs et utilitaires). Ils sont donc complétés par des comptages manuels et enrichis par des entretiens brefs. Enfin, pour analyser les besoins et la satisfaction des usagers de l’itinéraire, des enquêtes approfondies sont réalisées à plusieurs endroits, à raison de 2 à 6 jours d’enquête par site, et à des périodes variées de l’année. “Cette méthodologie associe des enquêtes terrain et des compteurs automatiques qui nous permettent de pondérer les données et d’extrapoler les résultats sur l’ensemble de l’année et des itinéraires étudiés“, résume Solène Harel, chargée d’études au pôle Observatoire et développement du CRT de Bretagne et membre du comité de relecture de la méthode.

Les outils développés par Vélo & Territoires dans le cadre de ce projet répondent à des attentes fortes. “Outre la standardisation et la fiabilisation des traitements, l’industrialisation de la méthode a pour objectif de générer de vraies économies d’échelle“, commente Sabine Andrieu, coordinatrice de La Vélodyssée.

©AtlanticCoastRoute – Aurélie Stapf

Des usages multiples pour les collectivités et les acteurs du tourisme

“Ces études ne sont pas uniquement une source de chiffres. Elles fédèrent davantage les élus, agents et techniciens et acteurs du tourisme, autour d’un projet commun”, souligne Stéphanie Mangin. Les collectivités utilisent les résultats de l’évaluation comme un véritable outil d’aide à la décision pour mesurer les impacts de leurs actions et investissements. “Sur l’impact économique direct, toutes catégories de cyclistes confondues, on a mesuré des retombées économiques exceptionnelles avec plus de 103 millions d’euros par an. Sachant qu’on a estimé à 150 millions d’investissement le coût de La Vélodyssée, le retour sur investissement est d’un an et demi. Très peu d’investissements publics obtiennent ces résultats“, explique Sabine Andrieu.

Les analyses issues des études de retombées permettent également d’enrichir les réflexions stratégiques de développement. Au programme ? Définition d’offres adaptées aux différentes cibles de clientèles et amélioration des infrastructures, équipements et services disponibles tout au long de l’itinéraire. Le cas pratique de la Bretagne illustre ces besoins : “L’étude a mis en évidence un déficit des services de base : points d’eau, toilettes, poubelles, bancs… Avec leurs partenaires, la Région et le comité régional de tourisme Bretagne ont lancé un travail ambitieux sur le sujet. Nous avons conçu des fiches-outils pour accompagner les territoires dans leurs phases « diagnostic » et « préconisations ». Nous avons aussi développé un modèle de données « équipement vélo » en lien avec GéoBretagne pour réaliser le recensement des équipements le long des itinéraires cyclables“, raconte Solène Harel. Vélo & Territoires travaille actuellement à la duplication de cette démarche à d’autres itinéraires. Une fois consolidé, le modèle sera partagé sur la plateforme des schémas de données publiques nationale.

©MJoly

Quelques conseils pour la mise en œuvre de l’évaluation

Si vous souhaitez évaluer les retombées économiques de votre itinéraire, comptez dix-huit mois de la préparation de l’étude à la diffusion des résultats et cinq années entre chaque vague d’étude pour suivre l’évolution des pratiques. “Si je devais donner un conseil, ce serait d’avoir suffisamment de maturité sur l’itinéraire pour se lancer, de bien connaître ses partenaires et de ne pas sous-estimer les ressources humaines nécessaires. Il faut aussi faire appel à une AMO (assistance à la maîtrise d’ouvrage) ou disposer d’une ressource interne très experte“, recommande Sabine Andrieu. Un coordinateur est indispensable, l’évaluation mobilisant plusieurs collectivités territoriales, et ce d’autant plus que chaque collectivité peut en profiter pour réaliser des études complémentaires et spécifiques. C’est ce qui a été fait dans le cadre de l’évaluation de La Vélodyssée. “Cela a doublé le coût global de l’étude, mais chacun a fait des économies à son niveau“, témoigne Sabine Andrieu.

Pierre angulaire de l’évaluation, les compteurs automatiques doivent aussi faire l’objet d’une vigilance accrue. Ils doivent être suffisants en nombre et fonctionnels au moins quelques mois avant le démarrage de l’étude, et suivis et entretenus avec soin durant la phase terrain. “Nous avons décidé de ne pas lancer l’étude tant que nous n’aurions pas des compteurs partout. Un an avant, un département en était encore dépourvu“, raconte Sabine Andrieu. Or “sans comptage automatique, on ne peut pas extrapoler“, complète Stéphanie Mangin.

Une méthode vivante appelée à s’enrichir par l’expérience

En l’état actuel, la méthode d’évaluation génère des résultats riches et variés et nécessite une réelle appropriation de la part des collectivités et des acteurs du tourisme. “Un an après l’étude sur l’EV1 – La Vélodyssée, nous sommes loin d’en avoir encore tiré tous les bénéfices. Nous avons besoin de rentrer plus en finesse dans les résultats pour en tirer tous les enseignements possibles“, estime Sabine Andrieu. La méthode pourrait bien sûr être amenée à évoluer, dès lors qu’une modification s’avérera nécessaire et ira dans le sens de la fiabilisation et/ou de la simplification. L’objectif ? Répondre aux difficultés rencontrées lors de la collecte et de l’analyse des données, et simplifier le processus étude après étude. Les échanges récurrents avec les collectivités permettront en outre d’identifier les thématiques qui nécessitent un approfondissement. Le tonnage d’émission de CO2 évité et le nombre d’emplois créés par exemple. “A termes, il serait intéressant d’approfondir la partie satisfaction et l’intermodalité vélo – transports terrestres avec les trains et les cars notamment“, identifie Sabine Andrieu. C’est au comité de suivi de la méthode qu’il reviendra de prendre en compte et d’analyser les retours des utilisateurs.

Julie Rieg

[1] Le projet européen AtlanticOnBike a démarré début 2017 et s’est achevé à la fin de l’année dernière. Il visait le développement de l’Atlantic Coast Route, soit 11 000 kilomètres de voies cyclables le long de l’océan Atlantique et sept pays traversés de la Norvège au Portugal. Il réunissait dix-neuf partenaires et consacrait un volet entier à l’évaluation des fréquentations et des retombées économiques de l’EuroVelo. En France, trois régions (Bretagne, Nouvelle-Aquitaine, Pays de la Loire) et neuf départements (Charente-Maritime, Côtes-d’Armor, Finistère, Gironde, Landes, Loire-Atlantique, Morbihan, Pyrénées-Atlantiques, Vendée) accueillent la véloroute. Tous ont participé à l’évaluation de ses retombées économiques.

L’article est rédigé dans le cadre du projet européen AtlanticOnBike qui a démarré début 2017 et s’est achevé à la fin de l’année 2020.

 

Observatoires