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Et si un indicateur de cyclabilité aidait à objectiver les politiques publiques et à mieux comprendre les dynamiques locales ?

Avec le taux de cyclabilité de la voirie, Vélo & Territoires propose un nouvel indicateur pour mesurer l’effort des collectivités sur le déploiement d’infrastructures adaptées au vélo. Pour passer de l’intention à l’action, la cellule géomatique du réseau a testé l’idée. Résultat ? Si ce taux est naturellement faible hors agglomération, nombre de communes rurales traversées par une véloroute tirent tout de même leur épingle du jeu. En milieu urbain, le taux de cyclabilité de la voirie augmente nettement avec la taille des agglomérations et s’avère toujours plus élevé dans les centres que dans les banlieues. Autre corrélation intéressante : plus cet indicateur est haut, plus le ressenti des usagers est positif. Tour d’horizon des territoires en cartographie.

Pourquoi et comment mesurer la cyclabilité de la voirie ?

Partout en France, on observe que la pratique du vélo s’est accélérée ces deux dernières années, portée notamment par le contexte sanitaire. En 2021, le nombre de passages de vélos sur le réseau de compteurs de la Plateforme nationale des fréquentations (PNF) bondissait de + 28 % par rapport à 2019 pour l’ensemble du territoire, plus marquée en milieu urbain (+ 31 %) qu’en milieu rural (+ 14 %). Parmi les principaux freins à la pratique du vélo évoqués par les usagers, l’insécurité sur la voirie arrive en tête, souvent liée à l’absence d’aménagement adapté. En conséquence, les collectivités adaptent leurs politiques cyclables et travaillent à donner plus de place au vélo, en créant de nouvelles infrastructures sur leur voirie ou en apaisant la circulation dans les centres. Aujourd’hui, en complément de l’analyse des fréquentations et des enquêtes auprès des usagers, il semblait intéressant pour Vélo & Territoires de proposer aux maîtres d’ouvrages un indicateur objectif pour le suivi du développement de leurs aménagements et l’adaptation de leur voirie.

Dans ce contexte, Vélo & Territoires a travaillé à un indicateur dit « taux de cyclabilité de la voirie », défini par le rapport entre le linéaire de voirie dite cyclable et celui de la voirie existante, et donc potentiellement cyclable. Le but ? Apporter un éclairage nouveau via une information simple à appréhender qui offre aux territoires la possibilité de se comparer les uns avec les autres et d’observer leur évolution dans le temps. Le calcul de cet indicateur s’appuie sur des données de sources multiples (voir la méthodologie en fin d’article), et notamment celles de la Base nationale des aménagements cyclables (BNAC) créée en 2021 par transport.data.gouv avec l’appui de Vélo & Territoires. Pour la petite histoire, ces travaux ont été engagés suite à une suggestion pertinente et amicale du Coordonnateur interministériel pour le développement du vélo et de la marche, de sorte que l’équipe Vélo & Territoires se réfère depuis à « l’indicateur Thierry du Crest ». Il a été soumis à quelques collectivités adhérentes à Vélo & Territoires, enrichi de leurs contributions avant d’être rebaptisé « taux de cyclabilité de la voirie ».

ATTENTION – Cet indicateur ne mesure qu’une facette de la notion de cyclabilité d’un territoire et ne saurait constituer une appréciation de la qualité cyclable de la voirie. La présence de discontinuités potentiellement dangereuses, le trafic adjacent et la vitesse des véhicules motorisés sont des éléments importants parmi d’autres pour juger de la cyclabilité d’un axe ; ils ne sont pas pris en considération par cet indicateur. Il faut enfin noter qu’un système vélo complet englobe une réalité bien plus vaste que la seule proportion de voirie adaptée au vélo (même si elle est importante).

Un indicateur logiquement plus favorable à l’urbain qu’au rural

Afin d’observer des tendances à une échelle fine, l’approche présentée ici se réfère à la notion « d’unités urbaines » proposée par l’INSEE [1], qui se base sur la continuité du bâti et la population. L’INSEE distingue pour chacune la ou les ville(s)-centre(s), les éventuelles communes qui en constituent les banlieues, et enfin les communes qui n’en font pas partie.

En 2022, le taux de cyclabilité moyen de la voirie française est donc de 3 %. Cela signifie qu’en moyenne, sur 100 km de voirie potentiellement cyclable, on recense 3 km d’aménagements cyclables bidirectionnels (ou 6 km d’aménagements monodirectionnels). On mesure par cette moyenne à quel point le réseau routier français n’est pas encore cyclable. Ce chiffre prend en compte 68 350 km d’aménagements cyclables, 4 760 km de zones piétonnes et 6 100 km de zones de rencontres.
À l’échelle nationale, quelques grands territoires se distinguent nettement par un taux supérieur à la moyenne. C’est le cas par exemple de la côte landaise et de la frontière orientale de l’Alsace, historiquement dotées de réseaux de pistes cyclables et voies vertes. Les zones très urbanisées, comme le bassin parisien, le département du Nord et plus globalement la majorité des centres urbains, présentent eux aussi un taux de cyclabilité important, comparativement au reste de la France.
Assez logiquement, la cyclabilité de la voirie reste très faible en zones rurales, dans lesquelles les aménagements sont généralement assez rares. Pour 80 % des communes qui ne font pas partie d’une unité urbaine, le taux de cyclabilité moyen s’établit ainsi à 1 %.

 

Les centres-villes bien plus cyclables que les banlieues

Dans les unités urbaines, on observe deux tendances :

  • Plus la taille de l’unité urbaine augmente, plus le taux de cyclabilité moyen augmente. Ainsi, dans les plus petites unités (de 2 000 à 5 000 habitants) il est en moyenne de 3 %, il augmente ensuite progressivement pour atteindre 8 % dans les plus grosses unités (plus de  200 000 habitants).
  • Au sein des unités urbaines, la valeur du taux dans les centres est toujours nettement plus élevée que dans leurs banlieues. L’écart constaté augmente même avec la taille de l’unité urbaine : jusqu’à 50 000 habitants, le taux de cyclabilité est en moyenne un tiers plus faible dans les banlieues que dans les centres, tandis que dans les unités urbaines plus importantes, il est environ moitié plus faible dans les banlieues.

Des couloirs ruraux où la cyclabilité doit beaucoup aux véloroutes

Si les taux de cyclabilité restent en moyenne très faibles en milieu rural (1 %), de nombreuses communes se distinguent très nettement le long de portions en site propre de certains itinéraires cyclables. Ce phénomène est très visible le long de l’EuroVelo 1 – La Vélodyssée, l’EuroVelo 6 – Véloroute des fleuves, la partie ouest de l’EuroVelo 8 – La Méditerranée à vélo, l’EuroVelo 17 – ViaRhôna, la V51 (le Tour de Bourgogne à vélo et le Petit tour de Bourgogne à vélo), la V80 (Canal des deux mers à vélo), mais aussi d’un certain nombre d’itinéraires régionaux, notamment en Bretagne.

Les 58 itinéraires du Schéma national des véloroutes (SNV) totalisent 25 670 km et traversent quelques 3 500 communes rurales, majoritairement dépourvues de tout autre aménagement cyclable. Pourtant, le taux de cyclabilité de la voirie de ces territoires s’élève en moyenne à 4 %, soit 6 fois plus que le taux moyen des communes rurales qui ne sont pas traversées par un grand itinéraire. Tempérons cependant le constat : 4% de voirie dites « cyclables », cela reste un taux extrêmement faible.

Un lien fort entre la cyclabilité et le ressenti des usagers urbains

La dernière enquête du Baromètre des villes cyclables, menée fin 2021 par la Fédération des Usagers de la Bicyclette (FUB), permet d’appréhender le ressenti des usagers pour 1 625 communes. Sur ces territoires, quelques tendances se dessinent :

  • Dans les villes-centres des unités urbaines de plus de 50 000 habitants, plus le taux de cyclabilité de la voirie augmente, plus la perception globale des conditions d’usage du vélo est favorable, et ce de manière très nette. C’est également vrai pour l’appréciation de l’efficacité du réseau cyclable ou encore pour le sentiment de sécurité. On note aussi que plus l’unité urbaine est importante, plus cette corrélation est forte.
  • Le taux de cyclabilité est également positivement corrélé au confort ressenti par les usagers, à leur appréciation de la cohabitation avec les véhicules motorisés, à leur sentiment du respect que leur porte les automobilistes et à leur perception des efforts réalisés par leur commune en faveur du vélo.
  • En revanche, pour les communes de banlieues, ces tendances sont nettement moins perceptibles, tandis que pour les communes rurales, le ressenti des usagers n’est clairement pas lié au taux de cyclabilité de la voirie.

Rappelons que Le taux de cyclabilite proposé ici considère comme voirie cyclable les aménagements cyclables, les zones piétonnes et les zones de rencontre. Si l’on restreint son calcul aux aménagements cyclables seuls, la corrélation avec le ressenti des usagers est légèrement meilleure. A l’inverse, si l’on y ajoute les zones et voiries limitées à 30 km/h, le lien avec le ressenti est bien moins net. Les usagers semblent donc plus sensibles à la présence d’aménagements cyclables clairement matérialisés qu’à la généralisation de dispositifs d’apaisement de la circulation tels que les zones 30.

Enfin, toujours grâce aux données du Baromètre des villes cyclables 2021 qui demandait aux usagers de quantifier leur pratique du vélo, on observe également une augmentation de la fréquence d’utilisation du vélo dans les villes-centres quand le taux de cyclabilité augmente. Cela vient donc confirmer, s’il était encore besoin de le faire, que l’absence d’aménagement adapté est un des premiers freins à la pratique du vélo en milieu urbain.

Le taux de cyclabilité de la voirie des communes de chaque région métropolitaine est à consulter ici :

Taux de cyclabilité de la voirie – Quelques éléments de méthodologie sur cet indicateur

 

Définition et données sources  : Le taux de cyclabilité de la voirie présenté ici, est le rapport entre le linéaire de voirie dite cyclable et le linéaire de voirie potentiellement cyclable ; il est calculé à l’échelle communale.
La voirie cyclable intègre :
– l’ensemble des données des aménagements cyclables publiées par les collectivités sur le Point d’Accès National des données de transport (PAN), soit environ 130 communes et 2 départements ;
– les données extraites d’OpenStreetMap (OSM) par Geovelo partout ailleurs ;
– Les données des zones piétonnes et zones de rencontre sont également issues d’OSM.

Tous les linéaires se voient appliquer un coefficient de 1 ou de 2 en fonction du nombre de sens de circulation de l’infrastructure. La voirie potentiellement cyclable correspond à l’ensemble de la voirie existante de la BD Topo IGN (à l’exception des autoroutes, voies rapides et bretelles d’accès). Considérant ici que toute voirie, même à sens unique pour les véhicules motorisés, peut être aménagée dans les deux sens pour les vélos, tous les linéaires de voirie existante se voient donc appliquer un coefficient de 2. L’ensemble des données date du premier trimestre 2022.

Variante : les cartographies régionales de cet article proposent également une variante de cet indicateur où la voirie cyclable est augmentée de l’ensemble des zones et voiries limitées à 30 km/h (données issues d’OSM). Cette variante est consultable en infobulle au survol des communes.

Limites : comme cet indicateur de cyclabilité intègre des données provenant d’une multitude de sources de données de voiries (IGN, OSM, collectivités), sans référentiel géographique commun, il n’est pas possible de le calculer à l’échelle de chaque voirie mais uniquement à l’échelle d’un territoire. L’acuité de l’indicateur est évidemment soumise aux limites inerrantes à l’utilisation de données OSM, et notamment du fait que la répartition, l’activité et la pratique de ses contributeurs n’est potentiellement pas homogène sur l’ensemble du territoire.

Typologie des communes : en plus de celles présentées ci-dessus, la typologie des unités urbaines de l’INSEE distingue également une classe de communes nommées « villes isolées », correspondant aux communes qui constituent à elles seules une unité urbaine, sans banlieue. Dans ces dernières, les tendances observées étant très proches de celles décrites plus haut à propos des villes-centres, le choix a été fait ici de les rassembler dans la même classe.

 

Fabien Commeaux

[1] Base des unités urbaines 2020 (https://www.insee.fr/fr/information/4802589)

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