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Plus dynamique que jamais, le marché du cycle doit s’adapter à l’engouement des usagers

Le vélo ne connaît pas la crise, et le vélo à assistance électrique (VAE) n’en finit plus d’exploser. Le bilan de l’Observatoire du cycle, présenté en ligne le 8 avril dernier par l’Union Sport & Cycle, confirme les ressentis : malgré les temps troublés, les ventes de vélos atteignent des sommets. La filière du cycle est assurément la grande bénéficiaire d’une demande en forte augmentation. Pourtant, face à l’ampleur du phénomène conjuguée aux fluctuations de la situation sanitaire, l’industrie peine à s’adapter, allant jusqu’à réinterroger les systèmes de productions.

2020, une année hors norme pour le vélo

« J’avais prédit une baisse d’activité et j’étais dans le vrai. Ce que je n’avais pas anticipé, c’était le délai pour la reprise du marché. » L’incroyable engouement en faveur du vélo observé en 2020 sera même parvenu à dérouter Jérôme Valentin, président de l’Union Sport & Cycle. « La dynamique était déjà bien engagée », indique Jérôme Valentin en rappelant une date charnière : le 14 septembre 2018 et l’adoption du Plan vélo, « pierre angulaire du développement de la culture vélo en France ». Soulignant l’impact de quatre acteurs majeurs – la FUB (Fédération française des Usagers de la Bicyclette), le Club des villes et territoires cyclables, Vélo & Territoires et l’Union Sport & Cycle, il mentionne une croissance « de 2 à 2,5 fois supérieure à l’activité habituelle » au sortir du premier confinement. « Les Français ont adopté le vélo comme mode de déplacement », ajoute-t-il. Les chiffres de fréquentation vélo publiés par Vélo & Territoires le confirment :  +27 % en 2020, hors périodes de confinement, par rapport aux mêmes périodes en 2019. Sur près de dix mois, le coup de pouce vélo a engendré 1,9 million de réparations, un chiffre « totalement significatif, impressionnant pour un dispositif qui a créé des emplois, accéléré des formations, et qui va dans le sens du développement de notre industrie », commente Jérôme Valentin.

Plus de 3 milliards d’euros de chiffres d’affaires pour les ventes conjuguées de vélos, périphériques et accessoires en 2020 : c’est 25 % de plus qu’en 2019. En volume, l’évolution est moins nette : +1,7 % pour atteindre près de 2,7 millions de vélos vendus. Comment s’explique un tel différentiel ? D’abord par le fait que l’engouement pour l’usage du vélo ne se traduit pas uniquement par l’achat. « Sur les deux millions de vélos remis en état dans le cadre du coup de pouce vélo, si l’on considère qu’un sur deux était déjà utilisé, cela donne un million de nouveaux vélos en circulation », estime André Ghestem, président de la commission cycle à l’Union Sport & Cycle. « Les vélos en libre-service se sont développés également. » Autre tendance que rapportent les chiffres : la diversification, la montée en gamme et l’augmentation de la part de marché des VAE. Autrement dit, les Français achètent proportionnellement plus de VAE, et de meilleure qualité.

Le VAE, catalyseur de la demande

« Nous assistons à un phénomène d’accélération de la croissance », observe Jérôme Valentin. Avec 514 672 unités vendues en 2020, le VAE représente 19 % du marché. Son évolution est impressionnante : +29 % en volume par rapport à 2019, alors que la croissance annuelle des dix dernières années était, en moyenne, de l’ordre de 25 %. En valeur, l’évolution est encore plus nette : +58 % d’augmentation du chiffre d’affaires. Avec 56 % du chiffre d’affaires total, les ventes de VAE dépassent le milliard d’euros en 2020. « Pour la première fois, le marché des VAE en valeur dépasse celui des vélos classiques », poursuit Jérôme Valentin. Facteur influençant ? Le prix de vente moyen d’un VAE a augmenté de 21 % pour dépasser les 2 000 €. Cette augmentation se traduit par l’achat de VAE de meilleure qualité, mais aussi par l’absence de promotions et gestes commerciaux face à une demande soutenue.

Autre fait marquant ? La diversification des pratiques. Si le vélo de ville reste le plus vendu (40 % de part de marché), le VTT à assistance électrique se classe deuxième à la faveur d’une forte hausse (+46 % en volume). Le marché voit émerger le vélo pliant (+95 %), le vélo de route (+215 %). Encore plus spectaculaire et témoin de l’évolution des pratiques, le vélo cargo à assistance électrique (+354 % pour 11 000 unités vendues), segment « à très fort potentiel de croissance ». Pour la première fois l’Observatoire lui consacre une catégorie spécifique.

En volume comme en valeur de ventes, le VAE compense la décroissance des vélos traditionnels. A-t-on, dès lors, atteint le point de bascule et entamé le déclin irrémédiable du vélo classique ? Pas pour Jérôme Valentin, qui considère ce phénomène comme n’étant pas anormal : « lorsque l’on achète un VAE, on n’achète pas en même temps un vélo classique. Le VAE ne le remplacera pas, par contre, il va poursuivre sa croissance. » Croissance dont les prévisions sont montées d’un cran : « à l’horizon 2025, notre potentiel se situe entre 1 et 1,5 million de VAE vendus. »

Un retour de la production française

Près de 660 700 vélos ont été assemblés en France en 2020, dont 261 000 VAE. Que nous disent ces chiffres ? « En France, la production se focalise et on se focalisera de plus en plus sur les VAE. Pourquoi ? Parce que la valeur ajoutée est plus importante », explique Jérôme Valentin. Un retour à la relocalisation de la production ? « Des spécialistes qui autrefois importaient des vélos les fabriquent aujourd’hui en France. C’est très positif pour nos emplois et pour notre économie locale. » L’implantation de Mercier, fabriquant historique, dans les Ardennes est un exemple emblématique. Pour 2021, les assembleurs prévoient une hausse de 40 % de la production du cycle en France.

Bien sûr, cette tendance est à nuancer par la provenance de la plupart des composants, cadres, pneumatiques, moteurs et batteries en premier lieu. Pour le président de l’Union Sport & Cycle, la clé se trouve dans la réindustrialisation du cadre. « Si on fait revenir la fabrication des cadres, les équipementiers suivront. Des initiatives au Portugal et dans certains pays de l’Europe de l’Est émergent. Dans trois ans, nous aurons des cadres fabriqués en Europe ! » Et en France ? « Une quarantaine d’artisans fabriquent entre 50 et 150 cadres par an. On parle très peu d’eux, mais leur action et leur persévérance sont à féliciter ».

Il est intéressant de confronter ces tendances à l’évolution des importations et des exportations. Les premières augmentent de 4 %, un chiffre faible eu égard aux 25 % de croissance du secteur. La mutation concerne surtout des canaux d’approvisionnement.  « Plus de 60 % de ces vélos proviennent d’Europe. C’est le résultat de notre lobbying, l’antidumping chinois pour les vélos traditionnels et, depuis 2019, pour les VAE. » Les exportations, quant à elles, reculent de 11 %. Une baisse jugée normale par Jérôme Valentin qui l’explique par l’ampleur de la demande nationale.

La nécessaire adaptation de l’industrie

La relocalisation progressive du marché du cycle pourrait apporter des solutions à l’un des principaux écueils : l’approvisionnement. « L’année 2020 était inédite, mais les industriels ont et auront des difficultés liées à la chaîne logistique », tempère Jérôme Valentin. « Tous les jours nous nous battons pour obtenir les composants que nous avons commandés. La demande a été anticipée et les commandes passées, mais les fournisseurs glissent leurs délais. » Du côté des enseignes multisports notamment, les ruptures de stock sont intervenues rapidement, générant d’importants délais de livraison. La France risque-t-elle une pénurie de vélos ? « Nous avons des difficultés d’approvisionnement et cela crée une légère tension. Mais nous faisons face », assure Jérôme Valentin. « Pas d’inquiétude, allez dans les magasins acheter vos vélos ! »

Colin Cazaly

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