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Les réseaux express vélo au service du basculement modal

Suivant l’exemple des voisins néerlandais (entre Arnhem et Nimègue) et danois (avec leurs Cycle Superhighways), plusieurs collectivités françaises ont décidé d’aménager des réseaux cyclables à haut niveau de services pour booster la part modale du vélo. Quatre d’entre elles ont présenté leurs projets aux 250 participants au webinaire organisé par Vélo & Territoires ce 25 février. Progressivement les réseaux express vélo tracent leur voie et non uniquement dans les métropoles. Morceaux choisis d’un webinaire riche de retours d’expériences inspirants.

Différentes échelles et différents niveaux d’avancement

Les réseaux cyclables à haut niveau de services se développent à toutes les échelles en France (régionale, départementale et métropolitaine) et sont plus ou moins avancés dans leur réalisation. Grenoble-Alpes-Métropole a déjà livré 23 km sur les 49 km prévus du réseau Chronovélo et le syndicat mixte des mobilités de l’aire grenobloise a inscrit le doublement du réseau d’ici à 2030 dans son PDU. D’autres territoires sont en cours d’élaboration de projets ou commencent tout juste les travaux. Tous ont comme point commun une gouvernance en puzzle avec un réseau mis en œuvre par les EPCI qui peuvent être accompagnés des départements et des régions. La bonne réalisation dépend donc de la cohérence entre les différents maîtres d’ouvrage pour l’infrastructure, le jalonnement, mais aussi pour l’entretien, la communication et l’évaluation du projet.

Lancement des travaux de la première ligne des Voies Lyonnaises ©Métropole de Lyon

Pour favoriser cette cohérence interterritoriale, la concertation est essentielle pour « créer le consensus et asseoir le projet » témoigne Fabien Bagnon, vice-président délégué à la voirie et aux mobilités actives à la Métropole de Lyon. Les 59 maires des communes de la métropole, dont 49 seront traversées par les Voies Lyonnaises, sont concertés en amont du projet, ainsi que les habitants : deux tiers des habitants sondés se déclarent comme futurs potentiels usagers. En Île-de-France, le projet du RER vélo est même issu de la sphère citoyenne, porté par le collectif vélo Île-de-France auprès de la Région.

S’étendant sur plusieurs centaines de kilomètres d’itinéraires sécurisés, ces réseaux visent l’accessibilité au plus grand nombre. À Grenoble-Alpes-Métropole, Chronovélo est accessible pour 40 % des habitants, 60 % des emplois et 60 % des étudiants. Du côté de la Métropole de Lyon, 99 % des habitants et des emplois seront à 10 minutes des Voies Lyonnaises. L’intérêt de ces réseaux est aussi qu’ils desservent à la fois les centres denses et les communes en périphérie, facilitant les déplacements pendulaires à vélo. Si nous tournons le regard vers le Danemark, les Cycle Superhighways y enregistrent 7 000 à 10 000 cyclistes par jour en ville et 3 000 à 7 000 cyclistes en périurbain. Sidsel Birk Hjuler, cheffe de projet Cycle Superhighways de la région capitale du Danemark, espère voir ces chiffres s’équilibrer davantage sur le long terme.

« En Ille-et-Vilaine, il y a eu un électrochoc, à la suite de l’enquête ménages-déplacements de 2018 qui montrait que 76 % des Bretilliens hors Rennes Métropole utilisent leur voiture (souvent seuls) pour se déplacer jusqu’à 3 km. On a compris que la part modale vélo pouvait considérablement augmenter », explique Schirel Lemonne, élue au Plan vélo et aux liaisons vertes du département de l’Ille-et-Vilaine. A l’horizon 2028, le projet de réseau express vélo départemental doit sécuriser la pratique cyclable dans les zones denses, mais aussi favoriser le report modal avec des liaisons des bourgs aux gares ou des aires de covoiturage par exemple.

Carte du RER-vélo d’Île-de-France

Miser sur la sécurité et le confort pour faire décoller la part modale du vélo

« Pour un réseau confortable et sécurisé, il faut assurer une largeur adaptée des pistes cyclables, c’est-à-dire au moins 2,5 m pour une piste unidirectionnelle et 3,5 m pour une piste bidirectionnelle, la séparation entre la piste et la voirie et la continuité du réseau avec la suppression des points durs », rappelle Thomas Jouannot, directeur de projets modes actifs au Cerema, les préconisations du Cerema pour l’aménagement des réseaux cyclables à haut niveau de service. Pour ce qui est de l‘aménagement des intersections, les préconisations sont aussi à retrouver dans le cahier de référence du Cerema. D’autres stratégies peuvent être adoptées pour renforcer la sécurité. Afin d’améliorer la visibilité des cyclistes par les automobilistes, le département de l’Ille-et-Vilaine utilisera un enrobé rouge pour ces nouvelles pistes cyclables.

Mais le confort passe aussi par le choix d’un nom intuitif et d’un jalonnement cohérent pour que l’usager se retrouve facilement. En Île-de-France et à Grenoble-Alpes-Métropole, les noms choisis font référence aux réseaux de transports collectifs locaux : RER V s’est inspiré du réseau express régional de trains d’Île-de-France et Chronovélo du réseau de bus Chronobus à haut niveau de services de la métropole grenobloise. Côté jalonnement, la région Île-de-France travaille sur un référentiel et un plan des pôles à jalonner qui portera essentiellement sur la signalisation verticale et devrait être disponible en septembre. À Grenoble-Alpes-Métropole, après cinq ans d’ouverture du réseau, se pose la question de l’entretien du marquage au sol.

Marquage de Chronovélo ©Grenoble-Alpes-Métropole

Des réseaux express vélo pour quel usage ? Ces infrastructures sont préconisées pour les territoires fixant un potentiel d’au moins 2 000 passages de vélos par jour. Pour la distance parcourue, l’Ille-et-Vilaine prévoit des trajets de 8 km maximum et la Métropole de Lyon vise les 20 km avec les VAE. A titre de comparaison, sur les Cycle Superhighways au Danemark, la distance moyenne des trajets réalisés est de 13 km.

Évaluation : hausse de la fréquentation et retour sur investissement

Dans la région capitale du Danemark, des études et comptages réalisés avant et après l’implantation du réseau permettent d’analyser son impact sur la hausse des fréquentations. À l’ouverture du réseau en 2019, la fréquentation avait augmenté de 38 % et en 2021 de 75 % par rapport à 2018. Avec un retour sur investissement de 23 %, davantage que les projets ferroviaires et autoroutiers, le projet est évalué comme l’un des projets d’infrastructures les plus bénéfiques menés au Danemark.

Dans la métropole grenobloise la fréquentation cyclable s’est multipliée par 2,5 en cinq ans, avec des profils d’usagers variés : enfants, femmes, personnes âgées. Les bénéfices économiques sont aussi au rendez-vous avec l‘exemple de la requalification de la cour Berriat, dans le centre-ville de Grenoble, où la vacance commerciale a été divisée par deux après les travaux de réalisation de Chronovélo.

Au-delà des bénéfices économiques et écologiques, le trajet à vélo est aussi « un moment que l’on passe avec soi et qui permet de cultiver notre bien-êtreloin des embouteillages », rappelle Sidsel Birk Hjuler.

Armelle Boquien

Politiques cyclables