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En Mayenne : priorité aux projets d’aménagement cyclable à faible impact carbone

Comment développer les aménagements cyclables dans les territoires peu denses, en minimisant l’impact environnemental ? Le conseil départemental de la Mayenne s’est engagé dans une démarche bas carbone et un budget dédié pour la nouvelle mandature. Sa politique cyclable intègre cette ambition. Ce travail s’appuie notamment sur l’éco-comparateur SEVE pour estimer le seuil de fréquentation minimale des aménagements cyclables à partir duquel l’impact carbone dû à la réalisation de l’infrastructure est compensé, sur l’ensemble de sa durée de vie. Interview.

  • Vélo & Territoires : Dans quel contexte avez-vous réalisé une étude sur l’impact carbone des infrastructures cyclables ?
©Département de la Mayenne

Delphine Montagu, chargée de mission déchets et mobilités au département de la Mayenne : En 2021, le schéma départemental des mobilités durables a été voté, avec un axe sur la mobilité douce. Le Département prend en charge, sous maîtrise d’ouvrage, les aménagements cyclables en bord de route départementale hors agglomération et propose des subventions aux collectivités locales pour la réalisation des liaisons communales et intercommunales.

L’engouement des territoires pour le vélo a incité le département de la Mayenne à développer un outil d’aide à la décision pour prioriser les aménagements cyclables à mettre en œuvre. Dans un territoire rural, la fréquentation vélo n’est évidemment pas la même qu’en ville. Nous nous interrogeons sur la fréquentation nécessaire de l’aménagement au regard de l’impact carbone de sa construction. Le Département étant par ailleurs engagé dans une démarche bas-carbone globale, nous avons décidé de mener une étude en interne pour éviter que l’impact carbone de nos aménagements cyclables soit plus important que les émissions de gaz à effet de serre économisées grâce à la réduction de l’usage de la voiture.

Par exemple, un compteur a été installé sur une piste cyclable de 3 m de large aménagée il y a moins de deux ans pour relier une commune de 300 habitants et desservir une ville-centre de 2 000 habitants. Il compte aujourd’hui en moyenne dix passages de vélos dans un sens et vingt dans l’autre sens par jour. A priori, cette fréquentation ne permet pas de compenser l’impact carbone relatif à la réalisation de l’aménagement. L’objectif de notre étude était d’avoir un outil d’aide à la décision pour pouvoir prioriser les aménagements d’infrastructures cyclables stratégiques.

  • Quelle méthode avez-vous suivi pour votre étude ?

C’est une démarche pionnière, nous n’avions pas de retours d’expérience d’autres territoires français à disposition pour nous aider à concevoir cet outil. Nous nous sommes tournés vers l’outil éco-comparateur SEVE qui est gratuit pour les collectivités. Il est habituellement utilisé pour les projets d’infrastructures routières et de terrassement.

Cet outil nous a permis de calculer l’impact carbone d’un aménagement cyclable sur l’ensemble de sa durée de vie, à partir de plusieurs facteurs : les matériaux utilisés dans la structure des pistes cyclables, l’usage d’engins de travaux, l’artificialisation des sols, l’entretien (balayage et fauchage) et l’impact positif en stockage de carbone d’une haie bocagère. Nous avons estimé une durée de vie des aménagements de vingt ans, avec trois cycles de rénovation (60 ans). En fonction de celle-ci, quatre scénarios ont été étudiés avec différents types de revêtement et d’assises des corps de revêtement, contenant une part plus ou moins grande de ressources issues du recyclage. Le premier scénario propose par exemple un revêtement avec émulsion, gravillons naturels non recyclés et sables naturels, et une assise de grave non traité, tandis que le troisième scenario propose 100 % de granulats recyclés dans le revêtement et l’assise. Le quatrième scénario une assise en mâchefers d’incinération car le Département est propriétaire d’une usine de valorisation des déchets. Pour calculer l’impact carbone de l’artificialisation des sols, nous nous sommes appuyés sur le cahier technique de l’Ademe, de 2016.

Les résultats obtenus nous orientent vers des choix techniques qui diminuent l’impact carbone : favoriser l’enrobé à froid, préserver des haies bocagères, etc. Pour l’entretien, nous avons choisi de prévoir un balayage deux fois par an et une taille des haies une fois par an. La part de l’impact carbone de l’artificialisation des sols (plus de 50 %) et celle de la structure de voie nous ont surpris, nous nous attendions à ce qu’elles soient moins importantes. Cela a conforté notre choix de limiter l’emprise foncière de nos aménagements en fixant leur largeur à 2 m, en fonction de la réalité de la fréquentation sur notre territoire.

Nous avons ensuite calculé le seuil de référence de fréquentation minimale qui permettrait de neutraliser l’impact carbone de l’aménagement, en prenant en compte le report modal de la voiture au vélo. Résultat, nous avons pu calculer que ce seuil de fréquentation correspond, pour la Mayenne, à 40 passages de vélos par jour en semaine (qui pourraient correspondre à des trajets domicile-travail) et à 25 passages de vélos par jour en moyenne sur l’ensemble de l’année. C’est un seuil important pour un territoire rural.

Calcul du seuil de référence de fréquentation minimal qui permettrait de neutraliser l’impact carbone de l’aménagement

Lorsqu’un aménagement cyclable est réalisé, c’est parce qu’il y a un potentiel d’utilisation, et qu’il y a un besoin de continuité cyclable. Mais il est important que sa mise en place soit accompagnée des actions de communication via des programmes de sensibilisation. Par exemple, le département de la Mayenne fait de la sensibilisation à la mobilité à vélo auprès des collégiens, des personnes en situation d’insertion professionnelle et des mineurs non accompagnés. De plus, nous finançons 50 % des dépenses d’animation et de sensibilisation à la pratique du vélo des EPCI et travaillons sur une stratégie de communication départementale, en lien avec les EPCI.

  • Comment allez-vous utiliser cet outil ?

Pour le Département, c’est un outil d’aide à la décision qui nous permettra de prioriser les demandes de subvention des collectivités locales pour la réalisation des aménagements cyclables sur leur territoire. Le seuil minimal de fréquentation vélo servira de référence pour ces projets. Chaque nouvel aménagement cyclable départemental sera équipé d’un compteur à boucle magnétique pour collecter les données de comptage. Les outils et méthodes utilisés par la Mayenne sont disponibles à toutes les collectivités qui souhaiteraient évaluer l’impact carbone de leur politique d’aménagement d’infrastructures cyclables.

Ce travail rappelle que plusieurs solutions existent pour aménager des pistes cyclables avant de construire des infrastructures ex-nihilo, telle que dédier une partie du réseau routier existant au vélo. Une réflexion qui fait écho à l’intervention de Sylvie Landriève lors des 25es Rencontres Vélo & Territoires : « Alors, même si cela implique malgré tout un choc d’offres en transports collectifs pour les espaces peu denses, pourquoi ne pas dédier à nouveau une partie de ce réseau routier au vélo ? Ça change tout et ça ne coûte rien hormis la signalétique. Ce qui coûte cher ce sont les investissements, c’est le dur, les travaux publics, le génie civil. Dédier une partie du réseau routier, ça ne coûte strictement rien. Et les Coronapistes nous ont montré que nous pouvons le faire – et le défaire – très rapidement. ».

Propos recueillis par Armelle Boquien

Politiques cyclables