FFC et mobilité : la Fédération se positionne sur le Plan vélo
Extrait de Vélo & Territoires, la revue n°62
Est-il pertinent d’opposer sans cesse pratiques sportive et utilitaire du vélo ? « Non » répondent en chœur deux des personnes les plus légitimes qui soient pour en parler : Michel Callot, président de la Fédération française de cyclisme (FFC), et Joaquim Lombard, conseiller technique national en charge du développement des pratiques au sein de la même structure. Explications.
« Sur le Tour de France cycliste, il n’y a bien que les coureurs qui se déplacent à vélo ». Bien connue des suiveurs de l’incontournable rendez-vous planétaire de juillet – Covid oblige, l’édition 2020 eut exceptionnellement lieu en septembre – la boutade en dit long sur un paradoxe presque aussi vieux que l’épreuve créée en 1903. Celui-ci pourrait être formulé comme suit : pourquoi la fameuse caravane de la plus grande course cycliste du monde est-elle quasi exclusivement composée d’autocars, de SUV et de motos ? L’heure de l’aggiornamento décarboné n’a-t-elle pas sonné ? Le moment n’est-il pas venu d’introduire un peu plus de vélo dans le monde du… vélo ?
Compétences
« C’est au cours de la dernière olympiade que notre fédération s’est vraiment emparée du sujet » explique Michel Callot. Comment pouvait-il en être autrement, du reste, en s’appelant FFC à l’heure où les pouvoirs publics se dotent d’un Plan national vélo ? « Nous avions en interne toutes les compétences pour assumer le fait d’être un acteur majeur et de peser sur le développement
de ce Plan vélo et des mobilités douces », poursuit le président de cette fédération qui, avant la pandémie, pointait du haut de ses 113 000 licenciés au 18e rang des fédérations sportives de l’Hexagone. Avec tout le bénéfice qui en découle en termes d’image pour une discipline qui n’oublie pas de raisonner aussi en termes de marché. « Il y a une forte volonté des pouvoirs publics, donc les financements suivent et, comme nous savons nous positionner en tant qu’acteur marchand, l’idée est que les ressources mobilisées soient ensuite réinvesties dans le mouvement associatif. »
La clé de voûte […] c’est la structuration d’un réseau d’éducateurs formés à la question de la mobilité à vélo.
Savoir rouler à vélo
Porté par le ministère de l’Éducation nationale, le dispositif Savoir rouler à vélo est le bras armé de ce cheval de bataille. La formation dure dix heures et est dispensée aux scolaires de 6 à 11 ans lors d’une demi-douzaine de séances d’1 h 30 en moyenne. « Ce dispositif entre en totale résonnance avec notre ADN », enchaîne Joachim Lombard, soulignant la pertinence maintes fois éprouvée des encadrants FFC lorsqu’il s’agit d’intervenir aux côtés du corps enseignant ou de produire des documents pédagogiques relatifs à l’apprentissage de la mobilité sous toutes ses formes. « Il nous a simplement fallu réorganiser nos maquettes pour les intégrer parfaitement dans le dispositif » souligne le technicien. « La clé de voûte de tout cela, c’est la structuration d’un réseau d’éducateurs formés à la question de la mobilité à vélo. Nos moniteurs ont des compétences professionnelles avérées et un haut niveau d’expertise sur le sujet. » Le tout sans négliger le public adulte, bien au contraire : programmes de remise en selle, offres dédiées aux collectivités locales ou aux entreprises…
Légitimité
Les enjeux de santé, de sensibilisation et même le rôle incitatif des enfants vis-à-vis de leurs parents ne sont plus à démontrer. Ajoutés à la médiatisation constante de la discipline – « deuxième sport le plus mis en avant au bilan annuel des Unes du quotidien L’Équipe en 2019, troisième en 2020 » rappelle Michel Callot -, les dividendes au bout de l’expérience se
mesurent aussi en termes de licenciés. « Tout comme les grands sports traditionnels que sont le
football, le handball ou le basket-ball, nous laissons au passage notre carte de visite, en quelque sorte. Notre message est le suivant : à présent que vous avez appris les bases, nous restons prêts à vous accueillir si vous souhaitez aller au-delà. Après tout, le cyclisme français n’a-t-il pas connu son firmament à l’époque où une majorité de la population se déplaçait à vélo ? De notre côté, ces nouvelles recettes sont légitimes au regard du travail de nos équipes, de leurs compétences et de leur expertise. »
L’objectif fixé par l’État est de 200 000 cyclistes formés d’ici fin 2021.
L’énergie de tous
Œuvrer à une société plus responsable tout en influant sur le modèle économique de la Fédération, voilà le double challenge qu’a commencé à relever la FFC en s’engageant dans cette voie. Avec des complémentarités à trouver vis-à-vis d’un interlocuteur incontournable comme la Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB), elle aussi membre du Comité de pilotage de Savoir rouler à vélo. Si Michel Callot évoque « des échanges réguliers » avec son homologue Olivier Schneider, « l’objectif fixé par l’État est de 200 000 cyclistes formés d’ici fin 2021, resitue Joaquim Lombard. Pour l’atteindre, nous aurons besoin de l’énergie de tous et ce d’autant que l’Union cycliste internationale, notre fédération de tutelle, suit tout cela de près. Cela participe d’une dynamique d’élargissement des actions, qui dépasse le cadre du sport. »
Porosité
Comme preuve que le cliché d’une séparation étanche entre cyclistes sportifs et cyclistes du quotidien a vécu, la FFC brandit une récente enquête mobilité menée auprès de ses licenciés. « Cinquante pour cent des répondants déclarent utiliser le vélo tous les jours pour leurs déplacements utilitaires, détaille Joaquim Lombard, et 85 % l’utilisent au moins une fois par semaine. À l’autre bout du spectre, moins de 5 % disent ne jamais se servir de leur vélo au quotidien. Ces résultats vont au-delà de nos espérances. Ils montrent qu’il y a une vraie porosité entre deux pratiques souvent présentées comme antinomiques. »
Accélération
Quid de l’incidence de la crise sanitaire sur cet élan vertueux ? « Paradoxalement l’année 2020 nous a permis d’accélérer, sourit Michel Callot. Les échéances sportives étant en stand-by, nos équipes ont eu un temps, dont elles ne disposent pas d’ordinaire, pour réfléchir aux questions de développement. Cela a débouché sur une production conséquente d’outils et de documents. Derrière, le premier déconfinement a confirmé que la mobilité avait le vent en poupe, cela s’est vu avec le Plan de relance ou lors d’opérations massives comme L’avenir à vélo durant le Tour de France. » Un constat que prolonge Joaquim Lombard : « Les webinaires nous ont permis de partager nos visions et de confronter nos outils. C’est pourquoi d’ailleurs nous avons décidé de les poursuivre cette année. »
Gouvernance
Alors que les enjeux protéiformes et colossaux des Jeux olympiques de Paris 2024 se profilent déjà, la FFC veut voir dans le déploiement de Savoir rouler à vélo une opportunité de fédérer, via notamment l’Agence nationale du sport, « les trois familles qui ont du poids : l’État, les collectivités territoriales et l’univers économique dont l’industrie du cycle en particulier. Tout cela participe de la réforme de la gouvernance du sport au sens large, conclut Michel Callot. Si au bout nous parvenons à faire tomber la barrière séparant le vélo loisirs du vélo utilitaire, ce sera une belle avancée. »
Anthony Diao