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Adam Bodor

L’ancien directeur du plaidoyer de l’ECF jusqu’à décembre 2019 est intervenu en qualité de grand témoin aux 23es Rencontres Vélo & Territoires, sur le thème « L’Europe, juste du financement ? « . Morceaux choisis.

Chiffres

« Environ 7 % de la population européenne a choisi le vélo comme principal mode de déplacement. Il y a de grosses différences. Cela varie de presque zéro pour cent à Chypre à 30 % aux Pays-Bas. La France est juste en dessous de ce taux européen moyen. Que disent ces 7 % ? D’abord, il faut garder à l’esprit que ce taux concerne ceux de la population européenne qui ont accès aux possibilités de faire du vélo. Ce sont des cyclistes qui n’ont pas peur. L’Union européenne, c’est 512,6 millions d’habitants. D’après les études, 60 % aimeraient faire du vélo mais sont freinés pour franchir le pas. La raison ? En général la sécurité routière. Rapporté au total d’habitants de l’Union européenne, ce taux représente 343,4 millions de cyclistes potentiels. Il y a là un gros marché avec beaucoup de perspectives. Les ventes de VAE sont d’ailleurs en pleine expansion au niveau du continent puisqu’elles ont augmenté de 22 % sur la seule période 2015-2017. Si le vélo avait la priorité, il y aurait potentiellement 30 millions de VAE vendus d’ici 2030. C’est un chiffre élevé mais à l’ECF, nous pensons qu’il est atteignable. »

VAE

« Un des facteurs de succès des achats de VAE est la qualité des produits. Les entreprises arrivent avec de nouveaux modèles, très attractifs tant au niveau des vélos que du modèle économique. Une des questions sous-jacentes, c’est de savoir par exemple quand et si les VAE remplaceront les vélos conventionnels. Au niveau de l’ECF, nous avons conscience de cette possibilité (même s’il n’est pas acquis que cela se produise). Le vélo traditionnel, sur de courtes distances et pour les jeunes, reste encore l’entrée principale. »

Je suis certain que c’est ensemble, en joignant nos forces chacun à notre niveau, que le vélo avancera.

Recyclage

« C’est un sujet très important. Début septembre au salon Eurobike en Allemagne (le plus grand événement mondial de l’industrie du cycle), j’ai eu l’opportunité de parler avec des leaders mondiaux de cette industrie et ce fut l’un de mes principaux messages à leur attention. Nous pouvons être critiques envers eux sur le sujet des batteries des VAE car, pour être honnête, ces industriels n’ont pour l’heure pas suffisamment anticipé ces questions. Or, comme dans d’autres secteurs, tôt ou tard cela impactera l’industrie cycliste toute entière. Si vous vendez 30 millions de VAE par an, il n’y a pas moyen d’éviter cette problématique. Bien sûr, au niveau de l’ECF, nous offrons une aide mais celle-ci est avant tout celle d’une organisation de consommateurs, non celle d’une industrie. Le lobbying de l’ECF est non seulement en faveur de vélos plus qualitatifs mais en faveur de vélos recyclables. L’industrie du vélo doit répondre à ce besoin. »

Influence

« Les facteurs de succès du vélo peuvent être classés en quatre catégories d’influence : par l’argent, par la réglementation, par la connaissance et par leur mise en oeuvre. Niveaux global, européen, national et local (qu’il s’agisse de la ville ou de la région), chaque niveau a ses règles. Si les clignotants sont au vert pour chacune de ces catégories d’influence à chacun de ces niveaux, la priorité pour le vélo sera une réalité et la part modale du vélo grossira mécaniquement. Au lieu des 7 % actuels, jusqu’à 16 % des habitants de l’Union européenne seraient alors en mesure de dire qu’ils utilisent le vélo comme mode principal de déplacement. Cela équivaut approximativement au taux du Danemark et cela ferait du bien à entendre, non ? C’est à cet objectif réaliste que l’ECF travaille. Pour y parvenir, nous avons rédigé un manifeste et 75 nouveaux membres du Parlement européen, élus au printemps 2019, se sont déjà engagés en faveur du vélo. Ce n’est là que la première étape car nous savons que nous devons aussi influencer la Commission européenne. »

Ensemble

« Ursula von der Leyen, la nouvelle présidente de la Commission européenne, semble avoir une vraie sensibilité pour le vélo. Ce qui nous donne aussi espoir, c’est que les lettres de mission des commissaires font explicitement référence à l’Accord vert européen et à l’objectif de zéro émissions dans le secteur des transports avec la promesse d’une vraie stratégie de mobilité durable. Pour l’heure, nous avons des discussions informelles avec la Commission. Nous espérons simplement que le prochain commissaire européen aux Transports s’attellera vraiment à cette lettre de mission pour tendre vers une mobilité durable. Je précise toutefois que tout ceci n’est atteignable qu’une fois que tous les niveaux auront joint leurs forces et feront leur part du travail, à l’instar de ce que réalisent la FUB et Vélo & Territoires au niveau national. Je suis certain que c’est ensemble, en joignant nos forces chacun à notre niveau, que le vélo avancera. »

Bureaucratie

« Soyons honnête : je pense que la bureaucratie européenne reste un challenge pour tout le monde. Bien que je ne travaille pas pour la Commission, dans toutes les régions, dans tous les pays, on m’interroge sur la complexité des dossiers. La réponse ? Pour faire court : les pays qui obtiennent le plus de fonds européens sont ceux qui délimitent leurs besoins aussi précisément que possible dès le début. Qu’est-ce à dire ? En clair, si vous savez déjà pour quels itinéraires
cyclables vous souhaitez bénéficier de fonds européens, il faut l’inscrire explicitement dans vos
programmes opérationnels. Cela peut sembler un peu rigide mais vous aurez ainsi un objectif clair, compris de tous, qui évitera à votre projet d’entrer en concurrence avec un autre. Plus vos programmes opérationnels sont rédigés, plus vous aurez d’atouts en main pour affecter effectivement des éventuels financements à vos projets cyclables. À l’inverse, si le projet est trop vague, il faudra encore justifier pourquoi investir dans le vélo. Le site Internet de l’ECF compile plusieurs exemples pour illustrer ce point. Vous pourrez ainsi voir que certains pays indiquent dans leur dossier l’itinéraire cyclable concerné avec la longueur exacte. Par leur effort de clarification
en amont, ces pays et ces techniciens facilitent les choses aux personnes qui examinent leur dossier. Attention toutefois. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a plus de bureaucratie. Il n’est pas possible de faire abstraction des contingences liées aux dépenses, par exemple. Mais au moins, jusqu’à la remise du contrat, les choses sont plus claires pour tout le monde. »

Pour atteindre les 16 % de part modale, il faudrait investir six milliards d’euros dans le vélo et les modes actifs.

Budget

« Entre 2007 et 2013, 0,6 milliard d’euros ont été investis au niveau européen dans des projets cyclables. Sur la période 2014-2020, ce montant est de 1,5 milliard d’euros, sachant qu’une plus grande diversité de pays sont disposés à investir et que l’investissement programmé pour la tranche 2021-2027 est de trois milliards d’euros. C’est bien mais pas encore assez sachant que l’Union européenne investit un total de 60 milliards d’euros dans les transports. Pour atteindre les 16 % de part modale, il faudrait investir six milliards d’euros dans le vélo et les modes actifs. La bonne nouvelle, c’est qu’en comparaison avec les budgets alloués au vélo lors de l’actuelle programmation, 0,5 milliard d’euros ont été ajoutés au budget. Cela montre qu’investir dans le vélo est le bon choix. J’ignore quels modes de transports sont en perte de vitesse mais ce qui est certain c’est que les projets cyclables sont les bénéficiaires de cette réaffectation des budgets. Cette nouvelle confirme que la campagne que conduit l’ECF au niveau européen et que Vélo & Territoires mène au niveau national en France porte ses fruits. Aujourd’hui les trois milliards d’euros
sont notre objectif et nous sommes encouragés par la Commission européenne à être plus ambitieux encore. Peut-être est-ce prématuré d’avancer cela mais les premiers échanges sont prometteurs. La réglementation pour les fonds de développement régional européen est en place et nous avons été consultés de près. Je suis optimiste dans le fait que le montant exact alloué au vélo sera plus élevé que les trois milliards d’euros annoncés. »

Propos recueillis par Anthony Diao

Vélo & Territoires, la revue