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La Meurthe-et-Moselle, territoire cyclable

Créée non pas au moment de la révolution française mais au sortir de la guerre de 1870, la Meurthe-et-Moselle a conservé une forme unique (200 km de long et un rétrécissement de 6 km de large en son milieu). Entourée de voisins sensibilisés de longue date à la cause cyclable, ce n’est pourtant que tout récemment qu’elle s’est à son tour « mise au vélo ». Explications.

Moselle-Saône à Vélo (V50) à Pont-à-Mousson ©Guillaume Robert-Famy

« Un tournant global »

Jean-Pierre Minella, Président de Meurthe-et-Moselle Tourisme et vice-président du Département délégué au tourisme et au devoir de mémoire 

Quelles sont les caractéristiques de ce territoire ?
C’est un département particulier. Sa création remonte au Traité de Francfort de 1871 et rattache ces bouts de territoires qui n’avaient pas été annexés par les Prusses. Le découpage est étonnant, en canard entre les trois départements voisins que sont la Meuse à l’ouest, les Vosges au sud et la Moselle à l’est, avec Nancy et le Pays Haut comme pôles d’attractivité, le tout traversé par la partie septentrionale de la V50.

Quels y sont les enjeux du développement du vélo ?
Il y a un esprit de coopération à développer à travers les grands itinéraires et les activités autour. La
demande de développer le vélo augmente d’année en année. Avec la loi NOTRe et le rôle accru des intercommunalités, elle est transversale, intergénérationnelle et concerne jusqu’à la location des VAE. Nous travaillons aussi sur les boucles locales, la qualité des accueils, le fléchage, les annonces d’évènements, les relations avec VNF…

Tout cela dépasse le seul cadre du vélo…
Ça vient de loin, effectivement. Vous savez, la France s’enorgueillit d’accueillir 120 millions de touristes par an, mais au fond que voulons-nous en faire ? Il y a une vraie réflexion à mener car la dynamique est globale : les gens recommencent à se déplacer à pied, aspirent à un tourisme moins polluant, intègrent le bio dans les cantines… Je ne suis responsable du tourisme que depuis le début de mon mandat actuel. Avant je m’occupais de la culture, des collèges, etc., et je viens
d’un secteur sidérurgique. C’est par mes fonctions que j’ai redécouvert le bois, la rivière, toutes ces
réponses que nous avons à proximité, finalement. Les avancées dont nous parlons étaient inenvisageables il y a encore quinze ans. L’essor du vélo sur notre territoire est aussi le signe d’un tournant global vers une aspiration à une vie plus saine.

« Un véritable mouvement de société »

Laurent Trogrlic, Président de la communauté de communes du Bassin de Pompey et vice-président du département de Meurthe-et-Moselle délégué au développement économique et à l’attractivité

La communauté de communes du Bassin de Pompey a finalisé début 2018 une portion de la V50…

Oui, cette portion de six kilomètres entre Custines et Millery fait partie de la section entre Custines et Arnaville portée par les trois intercommunalités concernées, avec l’aide de l’État et du Département. Aujourd’hui notre réflexion porte sur la démarche des conseils départementaux de Meurthe-et-Moselle et de Haute-Saône, qui sont moteurs sur l’animation. Nous travaillons aussi sur la jonction avec l’itinéraire de la Boucle de la Moselle ainsi que sur d’autres voies vertes transversales, afin de continuer à améliorer le maillage. Le but de notre Plan vélo est d’aménager des points de repos, de valoriser les secteurs, la signalétique, et d’articuler la voie verte avec les commerces et les équipements. Jusqu’ici nous réalisions. Aujourd’hui nous accompagnons.

À quel type d’usagers vous adressez-vous en priorité ?
Il s’agit d’une politique large, transversale. Bien sûr nous avons commencé par le vélo loisirs car c’est l’entrée la plus simple. Aujourd’hui nous voulons mailler avec les trajets pendulaires afin d’accélérer le mouvement et passer à une dynamique d’animation, toujours plus volontaire et toujours plus collective. C’est un véritable mouvement de société, qui se manifeste par exemple avec l’essor des VAE et que nous avons pu observer avec les bateaux qui s’arrêtent aux écluses de la Moselle et voient descendre des dizaines de cyclistes. L’heure est à une vision longue, afin de permettre à chacun de s’y retrouver.

« Nous avons encore une marge de progression »

Audrey Normand, Vice-présidente du département de Meurthe-et-Moselle déléguée à l’agriculture et à l’environnement

À quand remonte le déclic vélo en Meurthe-et-Moselle ?
Le Département est engagé depuis de longues années dans le développement de la petite reine, d’abord via nos compétences en matière de solidarité (nous avons par exemple accompagné dès ses débuts l’association Dynamo à Nancy, un des premiers ateliers de récupération et de réparation de vélo créé en France), mais aussi en accompagnant les collectivités locales pour aménager des véloroutes et des voies vertes. Nous avons 600 kilomètres d’itinéraires cyclables aménagés aujourd’hui, dont 100 d’intérêt national avec la V50 et la V52. Mais c’est encore trop peu ! Nous avons encore une marge de progression.

Où en êtes-vous en cette fin 2019 ?
Il y a deux ans, nous avons pris la maîtrise d’oeuvre et d’ouvrage de la V50 et de la V52 pour assurer la continuité de ces itinéraires structurants. Cela a accéléré l’aménagement et les travaux se poursuivront en 2020. La V50 et ses 27 km à réaliser représentent quatre millions d’euros d’investissement pour le Conseil départemental, soutenu à hauteur de 800 000 euros par la région Grand Est et l’Europe.

Pourquoi un démarrage si tardif ?
Les coûts étaient souvent prohibitifs, en particulier pour les communautés de communes situées en milieu rural. Chacun travaillait un peu dans son coin. En s’impliquant dans la gouvernance, le Département a joué un rôle de facilitateur, créé du liant et apporté cette vision globale, avec un système financier équitable. Notre adhésion à Vélo & Territoires cette année participe aussi de cette démarche.

Quelles sont les échéances à venir dans les prochains mois ?
Le 13 novembre, nous avons organisé à Nancy la Journée vélo Grand Est avec l’Ademe, la Dreal, la
Région, le Cerema et l’association Vélo et Mobilités actives Grand Est, autour du thème « Construire une politique cyclable pour son territoire ». Il s’agissait d’une première sur le territoire de notre collectivité. Le printemps 2020 marquera le lancement de Balades 54, notre application mobile, dont le but sera de promouvoir notre réseau cyclable, de faciliter et de donner envie d’aller à sa découverte. L’année qui vient verra aussi la mise en place du nouveau « forfait mobilité durable » pour inciter les agents du Conseil départemental à utiliser le vélo pour venir travailler.
Enfin, en juin prochain, nous devrions inaugurer le dernier tronçon de la V50 qui permettra aux cyclistes de rallier le Luxembourg à la vallée du Rhône.

Moselle-Saône à Vélo (V50) à Nancy ©Guillaume Robert-Famy

« S’intéresser à l’usager »

Véronique Facq, Directrice de Meurthe-et-Moselle Tourisme

Qu’est-ce qui selon vous a été le moment déclencheur pour le vélo en Meurthe-et-Moselle ?
Incontestablement, le moment où le Département a pris la maîtrise d’ouvrage de la V50 pour assurer la continuité du tracé avec les Vosges. Ce fut l’opportunité pour nous de mettre en place un comité d’itinéraire « miroir », qui calquait sur son aîné les axes de travail ayant permis de mener celui-ci à bien : concertation avec les EPCI et la région Grand Est, mutualisation, labellisation Accueil Vélo, modalités d’évaluation… Mettre en place un schéma des circulations douces
ne se limite pas à aménager et à signaliser, il faut aussi s’intéresser à l’usager.

Quelles sont justement les attentes des cyclistes meurthe-et-mosellans ?
Cela dépend de plusieurs critères. S’agit-il de cyclistes du quotidien ? De cyclistes du week-end ?
Mi-2020 nous avons prévu de sortir un document de visualisation pour le comité d’itinéraire de la
V50. Ses préconisations devraient pouvoir être répercutées sur le Département.

Au niveau touristique, quelles vont être les orientations fortes des prochains mois ?
Nous sommes attentifs à ne pas segmenter nos territoires et travaillons donc sur la destination
Lorraine dans sa globalité, avec un marqueur intitulé « Meurthe-et-Moselle, l’esprit Lorraine ». Les vignobles de la côte de Toul, la thématique du sel et du « pays de l’or blanc », les réflexions en cours autour du label Tourisme & Handicap, tout cela s’inscrit dans cette logique, d’autant que fin 2020 les résultats de l’enquête de fréquentation actuellement menée par le Grand Est devraient nous permettre d’affiner encore notre compréhension des attentes des usagers. Avec toujours en tête l’impératif de tenir nos promesses et, vis-à-vis des touristes, celui de cultiver chez eux l’envie de venir – et même de revenir ! – en Meurthe-et-Moselle et en Lorraine.

Trois questions à Véronique Verdelet

Les fleurs anglaises ©Véronique Verdet

Responsable avec son mari Emmanuel des Fleurs anglaises, une ferme maraîchère bio à Eulmont proposant notamment une chambre d’hôtes labellisée Accueil Vélo


  • Quel est le lien entre votre activité et le vélo ?

Nous sommes chambre d’hôtes depuis douze ans. Nous proposons un accueil à la ferme avec nuitées, table d’hôtes, dégustation, avec une chambre pour deux adultes et un enfant… Nous sommes à un kilomètre de la V50 qui va vers Nancy. Le label Accueil Vélo nous permet d’adhérer à un réseau et de toucher un nouveau public. C’est pour nous un autre moyen d’échanger avec notre clientèle en proposant, comme le nom du label l’indique, de l’accueil et de la mise à disposition d’espace, mais pas seulement.

  • Quels changements avez-vous observés dans la pratique cyclable de vos clients ?

Globalement, notre clientèle aujourd’hui fait davantage attention à ses déplacements, à ce qu’elle respire et à ce qu’elle mange. La lenteur et la déconnexion sont devenues l’objectif, et le vélo répond à cette attente. Au fil des ans, nous voyons de plus en plus de personnes arriver avec leur propre vélo. Nous voyons aussi de plus en plus de Nancéens car nous sommes en effet à trente
minutes à peine de la place Stanislas. Les boucles sur lesquelles s’engagent les cyclistes lors des
longs week-ends qui s’étirent du printemps jusqu’à la fin octobre passent à proximité. Ceux-ci n’ont en général pas besoin de bagages et aspirent surtout à être au calme et à découvrir les produits locaux. Il y a aussi de plus en plus de cyclistes en VAE car la fin du parcours est relativement vallonnée puisqu’elle passe par des vignes.

  • Quelles perspectives ce mouvement ouvre pour vous à moyen terme ?

Entrer en contact avec cette sphère nouvelle nous a ouvert des possibilités inédites, alors pourquoi ne pas continuer à travailler ainsi avec de nouveaux partenaires ? Localement, les balades à dos d’ânes sont l’un de ces partenariats possibles. Ce serait une autre occasion de faire vivre le village et de coupler ça avec notre objectif premier qui reste la découverte de la richesse de notre flore sauvage et de ses bienfaits énergiques. Le vélo participe pleinement de cette cohérence.

En savoir plus : www.lesfleursanglaises.fr

« Un rôle de coordination et de cohérence »

Roselyne Pierrel, Chargée de mission Circulations douces et coordination territoriale au Département

Quel rôle entend tenir le Département dans la mise en place d’un schéma des circulations douces ?
Le Conseil départemental a un rôle de coordination et de cohérence, avec cette idée de
déboucher sur une cartographie hiérarchisée, thématisée et priorisée. Nous sommes pour ce faire accompagnés par le cabinet Inddigo. Réunions et ateliers se succèderont sur le modèle de la co-construction jusqu’en juin 2020, avec ce triple objectif de consolider l’existant, de valider les réalisations et de produire des fiches-actions.

Vous êtes-vous inspirés d’actions similaires menées ailleurs ?
Notre cahier des charges s’inspire effectivement de celui de la Charente-Maritime
et, de par notre statut de transfrontaliers, nous apprenons également de ce qu’ont pu réaliser nos voisins belges, luxembourgeois voire, évidemment, les départements et régions qui nous entourent. Notre président a annoncé vouloir tendre vers un département 100 % cyclable. Pour espérer atteindre cet objectif, nous travaillons sur une approche inclusive, qui favoriserait l’insertion sociale, la solidarité, les personnes fragiles, l’accès aux collèges, etc. Le diagnostic final sera arrêté en décembre 2019, ensuite de quoi les élus prioriseront.

C’est encore prématuré de chiffrer tout cela ?
Oui, car nous partons sur cinq ans et le budget sera estimé par rapport au réseau des routes
départementales et à celui des véloroutes et voies vertes. Il n’est donc pas validé pour l’instant. Le diagnostic et la stratégie seront proposés à la session de décembre 2019 et les élus arbitreront ensuite au regard notamment des fonds territoriaux mobilisables. Pour la promotion, l’application prévue pour 2020 sera également configurable en anglais et en allemand. Elle a été pensée de façon suffisamment pratique et ludique pour parvenir à impliquer jusqu’aux collégiens dans la
construction des itinéraires.

Touristes à vélo à Pont-à-Mousson ©Guillaume Robert-Famy

Trois questions à Isabelle Vaillant

Association Dynamo à Nancy ©DR

Coordinatrice de projets pour l’atelier Dynamo

  • En quoi consistent les actions de l’association Dynamo ?

Nos ateliers participatifs et solidaires s’inscrivent dans une dynamique globale de services proposés aux cyclistes sur l’ensemble du territoire. Il s’agit d’une offre de proximité pour favoriser l’utilisation du vélo et l’inscrire à l’agenda des quartiers, des plans de rénovation urbaine, des initiatives d’économie sociale et solidaire, de réemploi et de réduction ou de réutilisation des déchets. En conjuguant recyclage et essor du vélo, en sensibilisant à la remise en selle et en aidant à comprendre comment réparer cet outil, nous permettons aux gens de se tourner progressivement vers cette pratique. Nous diminuons aussi le risque de report modal vers l’automobile.

  • Que vous enseigne cette proximité du terrain sur la pratique du moment ?

À Nancy la part modale du vélo est de 2 à 3 %. C’est peu mais c’est dans la moyenne nationale. Nos ateliers nous permettent de récolter la parole des cyclistes et de développer une expertise d’usage. Forts de nos près de 900 vélos récupérés et des 600 vélos remis sur la route chaque année, le département de Meurthe-et-Moselle nous soutient sur la partie solidarité animation territoriale. Cela nous permet d’être intégrés aux réflexions sur les pratiques et les aménagements au niveau départemental. Membre du réseau national L’Heureux Cyclage, notre association compte aujourd’hui 1 500 adhérents, soit le double de ce que nous étions à sa création en 2007.

  • Quelle place occupe le Conseil départemental dans le développement de votre association ?

Nous avons toujours été dans la boucle des réflexions menées par le Département sur ces thématiques et même, récemment, autour des réflexions qui concernaient le Schéma départemental cyclable. Notre rôle est de remonter les avis de nos adhérents. Parmi ceux-ci, le sentiment d’insécurité par rapport aux voitures, la continuité cyclable, l’intermodalité, la quête de symétrie entre les services dont bénéficient les automobilistes (réparation, location, stationnement) et ceux auxquels aspirent légitimement les cyclistes. Enfin, remettre du lien entre usagers et décideurs. C’est sur ces deux derniers points que Dynamo agit principalement.

En savoir plus : atelierdynamo.fr

Propos recueillis par Anthony Diao

Vélo & Territoires, la revue