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Intermodalité en Nouvelle-Aquitaine : un rail, des roues

Pour aller d’un point A à un point B, l’association du train et du vélo s’avère être de plus en plus le choix du bon sens et de la complémentarité. Illustration avec le dispositif d’intermodalité mis en place à bord de certains TER de la région Nouvelle-Aquitaine.

Avec 84 100 km2 de superficie, 5,8 millions d’habitants, dix agglomérations de plus de 100 000 habitants et un budget global de plus de 2,8 milliards d’euros, la Nouvelle-Aquitaine est la plus vaste des nouvelles régions nées de la réforme territoriale de 2016. Fusion des anciennes Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes, ce géant du sud-ouest a vu les questions d’intermodalité rapidement s’inviter au débat dès lors qu’il fallait penser plus avant sa politique de déplacements.

Personnel et roulant

« Un premier dispositif a été lancé à l’été 2017 » resitue Estelle Crétois, responsable Gares, pôles d’échanges et marketing à la Région. Volontairement limitée aux mois de juillet et août – où l’EV1- La Vélodyssée, itinéraire-phare de la côte Atlantique, connaît son pic annuel de fréquentation -, l’expérimentation est gratuite et dans la limite des places disponibles. Elle porte sur deux lignes de trains express régionaux : Bordeaux-Arcachon (sens aller et retour) pour la première et Hendaye-Bordeaux (aller simple) pour la seconde. Comment se matérialise-t-elle ? L’année de son lancement, le transport des vélos s’effectuait en camionnette, de terminus à terminus et avec l’aide d’un prestataire extérieur pour faciliter l’embarquement et le débarquement des vélos. Limitée à vingt-deux bicyclettes, la jauge devait aussi composer avec le paramètre embouteillages, qui conduisait parfois le cycliste passager du TER à attendre de longues minutes à destination avant de pouvoir récupérer sa monture… En 2019, la camionnette est remplacée par un système de zone vélo dans une rame dédiée sur la ligne elle-même. Les sièges sont protégés par des bâches logotées aux couleurs du Conseil régional et la capacité va de 17 places pour les TER Regiolis à 25 pour les modèles Régio 2N, en plus des six à huit places habituellement réservées au transport de cycles. L’Hendaye-Bordeaux met en place une zone vélo dans trois trains par jour, tandis que le Bordeaux-Arcachon fait de même sur dix trains ou cinq allers-retours quotidiens. Deux agents, missionnés par la SNCF, sont déployés par train couvert par ce service TER + vélo pour renseigner les usagers et assurer l’orientation vers la voiture dédiée sur le quai, mais aussi pour installer à bord et débarquer les vélos.

Zone vélo dans une rame dédiée © Région Nouvelle-Aquitaine

Dans le sens de la circulation

« Au total, poursuit la technicienne, 760 TER ont été couverts par ce dispositif et 3 500 vélos ont été transportés à l’été 2019, ce qui représente deux fois et demie la capacité que nous avions à l’époque de la camionnette. Le tout à budget constant, puisque la Région consacre 120 000 euros par an à ce dispositif. » Sociologiquement, les premières enquêtes menées sous forme de questionnaire distribué en gare et durant le trajet – 1 360 répondants depuis 2017 – recensent « une majorité de touristes à vélo et de plus en plus de pendulaires, même si l’étude méritera à
terme d’être affinée ». Une convention de partenariat a été passée entre la région Nouvelle-Aquitaine, SNCF Mobilités et La Vélodyssée pour définir les modalités de collaboration sur le périmètre des lignes TER en connexion avec l’itinéraire européen. La Vélodyssée fournit à la Région et à la SNCF les données recueillies concernant la fréquentation, les attentes et besoins des touristes à vélo. Des kits de montage sont proposés dans onze gares de la région – comme une vieille rémanence d’une antique règle d’or de la SNCF à l’égard des TGV, selon laquelle « un vélo doit se transporter démonté dans une housse de 120 x 90 centimètres », une règle que la pratique et la tendance observée par le législateur, tant français qu’européen, tendent peu à peu à assouplir.

Salle basse du Jumbo vélo ©Région Centre-Val de Loire

Prochaines destinations

Si les premiers retours sont encourageants, plusieurs leviers d’amélioration ont d’ores et déjà été identifiés. Poursuivre le dialogue avec la SNCF, tout d’abord. L’enjeu est de donner l’information aux voyageurs le plus en amont possible, et favoriser ainsi un usage train + vélo plus important que ce qu’il n’était jusqu’à aujourd’hui. Des options de desserte plus larges, ensuite. En 2020, monter ou descendre avec son vélo devrait se faire non plus aux seules gares de terminus mais bien à certaines gares intermédiaires également, voire sur d’autres destinations que les axes Bordeaux-Arcachon et Hendaye-Bordeaux, voire aussi au-delà des mois de juillet et août – de juin à septembre, pour commencer. À plus long terme, une réflexion est amorcée pour faire évoluer le matériel roulant TER afin d’améliorer l’embarquement des vélos toute l’année, pour répondre aux besoins des usagers du quotidien. En parallèle, la région Nouvelle-Aquitaine souhaite développer le stationnement vélo en gare pour faciliter le rabattement en gare et limiter l’embarquement des vélos dans les trains.

L’objectif de tout cela est de tendre vers une mobilité sans coutures.

Ouverture des portes

À l’automne 2019, les résultats d’une enquête effectuée pendant l’été devraient permettre à la Région d’en savoir davantage sur les motivations et les pratiques des utilisateurs de ce dispositif. Quelles sont leurs contraintes ? Leurs aspirations ? Emmèneraient-ils leur vélo dans le train si des abris vélo sécurisés leur permettaient de le laisser à leur gare de départ, et si une offre de location les attendait à leur gare d’arrivée ? Autant de pistes de réflexion pour anticiper au mieux les
besoins d’un public toujours plus nombreux. « La SNCF parle de 20 % de vélos supplémentaires chaque année à transporter sur ses lignes » confirme Estelle Crétois. « L’objectif de tout cela est de tendre vers une mobilité sans coutures » formule Renaud Lagrave, vice-président du Conseil régional en charge des Infrastructures, des transports et de la mobilité. Une direction réaffirmée si besoin était avec la création en juillet 2018 du Syndicat mixte des transports de Nouvelle-Aquitaine et le lancement en octobre de la même année de l’application mobile Modalis.fr. Une double démarche correspondant à un triple objectif, rappelé par l’élu : « coordonner l’offre et les horaires des différents réseaux de transports publics ; créer une billettique unique et une tarification intermodale à l’échelle régionale, ainsi qu’un système d’information voyageurs intermodal régional ». Autant d’axes autour desquels les cyclistes usagers des TER ne peuvent que souscrire, en attendant ce jour où, qui sait, arriver en gare avec un vélo à la main reviendra à voyager avec un bagage pas comme les autres, mais presque.

Propos recueillis par Anthony Diao


Cet article a été réalisé dans le cadre de l’étude Intermodalité (EMBARQ) de Vélo & Territoires, qui bénéficie du soutien technique et financier de l’Agence de la transition écologique (Ademe) et du Ministère de la transition écologique et solidaire (MTES).

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