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La Seine-Maritime, territoire cyclable

Extrait de Vélo & Territoires, la revue n°59

Adhérente de la première heure de Vélo & Territoires, la Seine-Maritime articule sa politique cyclable autour d’axes structurants forts aux atouts et perspectives réels.

Entretien avec Alain Bazille

Vice-président du Conseil départemental, en charge des infrastructures, des transports, des ports et des routes

À quand remontent les débuts de la politique cyclable du Département ?
Le déclic s’est fait progressivement à partir de 1998-2000. L’Avenue Verte London Paris a été la première voie structurante que nous avons portée. Elle a été construite sur l’ancienne ligne de chemin de fer Dieppe-Paris, qui était fermée depuis 1988, et propose une liaison transmanche assurée entre Dieppe et Newhaven, ainsi que deux options par l’Eure ou par l’Oise. Elle a été ouverte en 2012 au moment des Jeux olympiques de Londres.

Quels sont les grands axes du Schéma directeur départemental cyclable ?
Avec La Vélomaritime, l’Avenue Verte London Paris, La Véloroute du Lin et La Seine à Vélo, notre département possède désormais une colonne vertébrale à quatre axes structurants, favorisant un maillage complet du territoire. Ces grands itinéraires cyclables sont complétés par un certain nombre de circuits VTT, boucles cyclotouristiques et autres chemins de randonnée. Comme nous avons la maîtrise d’ouvrage sur la grande majorité des sections concernées, nous venons de commencer des sécantes à ces itinéraires pour les connecter entre eux et accélérer ainsi leur mise
en tourisme, en cohérence avec notre projet 2016-2021 de développement touristique de la Seine-Maritime.

À quelles difficultés êtes-vous confrontés dans la mise en place de ces politiques cyclables ?
Les principales concernent le foncier et les différentes contraintes environnementales et industrielles. La mise à disposition d’emprises de certaines voies ferrées n’est pas évidente non plus. Lors de l’acquisition des terrains et la réalisation des aménagements, la cession de la voie ferrée a été attaquée par la Fédération nationale des usagers des transports. Aujourd’hui, il y a une convention de transfert de gestion sur trente ans entre la SNCF et le Département.

Quelle est l’incidence de la crise sanitaire de ce printemps sur la mise en oeuvre du Schéma directeur ?
Elle impacte les chantiers de travaux, la pose et la fabrication des panneaux, l’approvisionnement en matériaux, en masques… Certains chantiers sont censés reprendre le 27 avril et la question du report de l’inauguration de La Seine à Vélo en juin, puis de celle de La Vélomaritime en septembre se pose inévitablement*. Reprogrammer ces évènements sera un numéro d’équilibriste puisqu’a priori nous entrerons dans la foulée à nouveau en année électorale.

La halte à Offranville ©Seine-Maritime Attractivité/V.Rustuel

S’agissant de La Vélomaritime, quid de l’épineuse question de la traversée du pont de Normandie ?
L’objectif reste une inauguration en septembre 2020, non de la globalité de l’itinéraire sur le terrain, mais au moins d’un premier jet. Les discussions sur la sécurisation du pont et de ses abords achoppent pour l’instant entre les collectivités (départements, Région et EPCI), le propriétaire (État) et le gestionnaire (CCI Seine-Estuaire), dont les intérêts divergent pour le moment. En attendant, une piste envisagée pourrait être un franchissement par transports en commun. Affaire à suivre de près car cette traversée constitue un gros obstacle à lever pour La Vélomaritime.

Le Conseil départemental a longtemps été seul maître à bord en matière cyclable. Comment composez-vous aujourd’hui avec la montée en puissance des collectivités, comme la métropole Rouen Normandie ou la communauté urbaine du Havre ?
Pour ce qui est des projets locaux, notre politique de subventions prévaut et nous met à l’abri des malentendus. C’est moins le cas à l’échelle des grands itinéraires, avec une diversification des maîtrises d’ouvrage, et c’est pourquoi il est important d’encourager les logiques de partenariats. L’idéal étant que le Département continue d’ouvrir de grandes artères cyclables et que les collectivités locales, elles, fassent ensuite le nécessaire pour se les approprier. Diversifier l’offre permet de mieux drainer le territoire.

Quel budget consacrez-vous au vélo ?
Depuis 2015 que j’en suis le vice-président, notre Département a consacré de l’ordre de trois millions d’euros par an au vélo, avec un soutien financier apporté aux communes et aux EPCI qui aménagent des itinéraires cyclables, en particulier ceux inscrits au Schéma directeur départemental. Le coup d’accélérateur est réel, d’autant qu’il se double d’une volonté d’en faire
un outil de mobilité du quotidien pour accompagner de nouvelles habitudes de déplacement et, autant qu’il soit possible, de favoriser des aménagements en site propre.

Qu’apporte le réseau Vélo & Territoires à votre collectivité, notamment pour un comité d’itinéraire comme celui de La Seine à Vélo ?
Le département de la Seine-Maritime est un des membres fondateurs de ce qui était à l’époque l’Association des départements cyclables. Notre attachement à Vélo & Territoires est donc très important. Ce sont des sachants et la collaboration avec nos techniciens est précieuse. La multiplicité d’interlocuteurs nous oblige à dépasser notre vision seinomarine. Il ne faut jamais oublier qu’une difficulté sur le territoire de l’un est une difficulté pour tout l’ensemble d’un itinéraire. Là-dessus, Vélo & Territoires a une légitimité et une expérience qui tirent tout le monde vers le haut même si, c’est vrai, il reste pour l’heure plus simple de mobiliser les partenaires en phase d’élaboration qu’une fois l’aménagement livré. C’est un point sur lequel nous devons tous rester vigilants.

Vous-même, trouvez-vous le temps de faire du vélo ?
J’essaie dès que possible avec mon épouse de partir découvrir la France à vélo, oui. Nous devions aller pédaler en Provence début avril mais le confinement a changé la donne. Vivement la prochaine occasion !

*Les dernières informations recueillies suite à la rédaction de cet article confirment le report de ces deux inaugurations à la fin d’année 2020.

Avenue Verte London Paris ©Florence Lopes/Département de la Seine-Maritime

Trois questions à Valérie Loisel

Coffee Bike Normandie ©DR

Directrice de Coffee Bike Normandie

  • Comment le vélo est-il devenu le coeur de votre activité ?

J’ai travaillé en office de tourisme à Fécamp jusqu’à l’automne 2017 et ai ouvert Coffee Bike Normandie en avril 2018. À l’époque La Véloroute du Lin était en cours de construction et j’avais pu observer les demandes fréquentes de location de vélos des touristes pour leurs déplacements durant leur séjour (aller à Étretat par exemple), et des résidents locaux pour découvrir les prémices de la voie verte. Notre but est de proposer des parcours et de la location pour tous, du VTT au tandem en passant par les « baby vans », les VAE ou les tricycles adultes depuis cette année.

  • Est-ce que le marché vélo s’est révélé conforme à ce que vous aviez pu en voir en office de tourisme ?

Mon regard a changé. J’étais partie sur une activité saisonnière, et puis j’ai découvert que la demande des résidents locaux était à la fois vraiment conséquente et qu’elle portait souvent sur la location vélo de longue durée. Pour des itinéraires comme La Véloroute du Lin, c’est parfait. En ville, en revanche, beaucoup reste encore à faire, tant au niveau du stationnement vélo que des racks sécurisés par exemple. Lors d’une réunion en décembre dernier, j’ai observé que l’Agglomération avait pris les choses en main.

  • Quels sont les attentes et les retours de vos clients en matière d’aménagements cyclables ?

Concernant La Véloroute du Lin, les retours sont d’autant plus positifs que l’itinéraire est récent. Nous avons également beaucoup de demandes de location vélo pour La Vélomaritime. Parmi les points d’amélioration, la sécurisation et la signalétique en direction d’Étretat sont des retours que nous avons souvent. De même que l’installation de bornes de recharge pour VAE sur le trajet, notamment pour le retour, ou la publication de cartes à échelle plus réduite.

En savoir plus : www.coffeebike-normandie.com

Entretien avec Chloé Villain

Chargée de mission développement touristique de Seine-Maritime Attractivité

En quoi consiste le Tour de la Seine-Maritime à vélo ?
Nous avons remarqué que nos grands itinéraires forment une boucle. Pour se distinguer, nous avons donc développé le produit Tour de la Seine-Maritime à vélo. Ce sont 325 km au départ de Rouen en passant par le Pays de Bray, la Côte d’Albâtre et la Vallée de la Seine. Cette boucle emprunte l’Avenue Verte London Paris, puis, selon l’envie, La Vélomaritime ou La Véloroute du Lin avant de terminer par La Seine à Vélo. Toutes les informations sont compilées depuis 2018 dans un topoguide de 92 pages et seront bientôt mises en ligne sur le nouveau site web de France Vélo Tourisme. Le guide a d’ailleurs reçu un très bon accueil au Salon cyclo-rando Fiets en Wandelbeurs à Utrecht aux Pays-Bas, auquel nous participons chaque année. Ça nous incite à continuer nos actions autour de ce produit vélo 100 % Seine-Maritime.

Champ de lin sur La Véloroute du Lin ©Seine-Maritime Attractivité / V.Rustuel

Où en est La Seine à Vélo ?
Elle devait être inaugurée le 13 juin prochain mais la crise sanitaire nous oblige à reporter l’inauguration à la fin d’année. Pour rappel, il s’agit d’un itinéraire reliant Paris au Havre et Honfleur en longeant le lit du fleuve. Il traverse deux régions (la Normandie et l’Île-de-France), sept départements, une métropole (métropole Rouen Normandie) et plusieurs communautés urbaines ou d’agglomération. L’enjeu est à la fois de permettre aux cyclistes de découvrir le patrimoine naturel des bords de Seine tout en profitant des importants bassins de vie du parcours. La dynamique partenariale avait été amorcée dès 2015 par la mise en place d’un comité d’itinéraire et un plan d’actions doté de 670 000 euros a été arrêté pour la période 2018-2022.

Des études de fréquentation ont-elles été menées récemment ?
La dernière remonte à 2017. Elle a été menée par le Département et concernait la fréquentation et les modes d’utilisation de ce qui s’appelait encore la Véloroute du Val de Seine. À l’époque, le profil type qui se dégageait était celui du cycliste masculin de plus de cinquante ans, riverain de l’itinéraire et se déplaçant seul. La tendance sera-t-elle la même suite à l’inauguration prochaine de La Seine à Vélo ? Nous devrions en savoir davantage dans quelques mois.

Quel est le rôle de Seine-Maritime Attractivité dans le déploiement de la marque Accueil Vélo ?
Notre agence a été créée en janvier 2017. Elle provient de la fusion de trois satellites départementaux, dont Seine-Maritime Tourisme, qui déployait déjà la marque depuis 2015. Nous déployons Accueil Vélo dans un souci de qualifier les services (offices de tourisme, hébergeurs, restaurateurs, sites et lieux de visite, réparateurs et loueurs de vélos) autour des itinéraires
cyclables et de professionnaliser nos prestataires. Pour ce faire, nous nous adressons surtout aux porteurs de projets publics et privés afin d’adapter leurs offres aux attentes des touristes à vélo. Nous privilégions les prestataires marqués pour nos différentes actions de promotion et de commercialisation autour du vélo. Nous accompagnons également les collectivités qui souhaitent aménager leur centre-bourg ou requalifier leurs anciens bâtiments (école, maison garde-barrière…) en halte multiservices par exemple. Il y a une formidable dynamique autour du vélo de la part des collectivités locales et du Département.

La Seine à Vélo ©D.Darrault

Trois questions à Christine Bert Hevers

Christine Bert Hevers ©DR

Directrice générale de l’hôtel Aguado et de l’hôtel de l’Europe

  • En quoi consiste l’offre vélo de vos établissements ?

Nos deux hôtels sont situés sur le front de mer de Dieppe. Ils sont labellisés depuis les débuts d’Accueil Vélo pour répondre notamment aux attentes de notre clientèle anglaise en route pour Paris. Traditionnellement, nous accueillons des groupes de charité, anglais le plus souvent, mais aussi italiens et bien sûr français, dans le cadre de courses contre le cancer. Ces groupes peuvent aller jusqu’à soixante personnes et leurs besoins sont spécifiques, comme un petit déjeuner aux aurores, plus axés sucres lents que viennoiseries au regard des efforts qui les attendent. Nous avons un abri vélo, un espace VAE et un kit de dépannage mais, d’une façon générale, eux-mêmes sont déjà équipés car ce ne sont pas des cyclistes du dimanche.

  • Quelles sont les caractéristiques de votre clientèle ?

Déjà ce sont des clients qui reviennent d’une année sur l’autre. C’est quelque chose que nous observons de longue date à l’hôtel de l’Europe, où nous avons soixante grandes chambres toutes face à la mer et où descendent la plupart des groupes, avec des possibilités de deux ou trois lits par chambre. Les individuels séjournent plutôt à l’hôtel Aguado où ils trouvent un accueil personnalisé et chaleureux dans un établissement aux petits soins. C’est intéressant d’échanger avec eux puisque c’est grâce à ces échanges que nous avons décidé d’y construire cette année un espace dédié aux VAE. C’est une clientèle fidèle et agréable, attachée aux détails et respectueuse des lieux.

  • Quelles autres pistes d’amélioration vous fait remonter cette clientèle, justement ?

Ce qui ressort des discussions, c’est l’importance de développer une vision globale, de vendre la destination « Normandie » avec l’axe Paris-Londres en promouvant des étapes essentielles comme Dieppe. Une fois cet axe internationalement connu et reconnu, il faudra que la destination Dieppe s’impose comme une étape où le cycliste décide non pas seulement de passer, mais de se poser pour quelques jours. Le territoire dieppois a tous les atouts – culturel, historique, patrimonial, culinaire avec le marché dieppois du samedi, mais aussi naturel avec la beauté de son littoral et sa
campagne verdoyante – pour rendre le séjour du cycliste inoubliable. Le vélo est un vrai potentiel touristique pour l’avenir du pays dieppois.

En savoir plus : www.hoteldieppe.com

Propos recueillis par Anthony Diao

Vélo & Territoires, la revue