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À la mer à vélo contre le cancer du sein – Pédaler de l’avant

Lauréat du Coup de cœur du jury aux Talents du vélo 2015, le défi “À la mer à vélo contre le cancer du sein” s’est achevé le 10 octobre dernier sur les bords de la Méditerranée et une interrogation collective : « Quand repartons-nous ? »

Il y a les chiffres et il y a les êtres. Du 3 au 10 octobre 2015, une caravane de 39 personnes a relevé le défi de parcourir ensemble les 480 km reliant, par la ViaRhôna, la commune de Chambéry, en Savoie, à celle des Saintes-Maries-de-la Mer, en Camargue. 23 de ces cyclistes étaient des femmes  âgées de 34 à 74 ans. Leur particularité ? Avoir été touchées par un cancer – du sein, mais pas uniquement – et être déterminées à passer outre car la vie doit continuer. Pédalant entre 50 et 95 km par jour en compagnie d’un staff technique et médical, ces “Merckx supérieures” ont validé au-delà de toute espérance les espoirs placés en elles par l’association 4S (pour Sport, Santé, Solidarité, Savoie) et l’agence Écomobilité de Chambéry, avec le soutien de Roue libre, Vélogik et de clubs de cyclotourisme locaux. « Cette aventure fut une leçon de vie pour chacun, des participants aux personnes rencontrées en chemin », résume Christine Aguettaz, la cheville ouvrière du projet.

Horizon. Au commencement, il y avait le souhait de redonner collectivement le goût de se projeter à des femmes dont l’horizon butait systématiquement sur la date de la prochaine séance de chimiothérapie. Remettre en piste des dépistées, lancer sur un effort de longue haleine des personnes qui doutaient de leur propre capacité à pouvoir un jour reprendre la leur. « Il n’y avait qu’une seule cycliste au départ. Certaines des participantes n’avaient pas fait de vélo depuis 40 ans », s’extasie la cofonda-trice, avec Michelle Berliat, de l’association 4S, dont le cœur de cible jusqu’ici était de proposer des activités physiques à des personnes touchées par un cancer du sein via notamment la marche Odysséa. C’est 4S qui proposa à ses quelque 70 adhérentes ce projet inédit intégré dans le cadre d’Octobre rose, ce mois dédié à la lutte contre le cancer. « Pour ces dames, le simple fait de sentir le vent dans leurs cheveux était comme un bond dans le temps, un retour au temps béni de l’enfance. » Conscientes de la nécessité d’y aller par étapes, les organisatrices firent leur le célèbre adage d’Abraham Lincoln : « Si vous disposez de quatre heures pour abattre un arbre, consacrez les trois premières heures à aiguiser votre hache ». Dès le mois de mars, des séances de remise en selle, de familiarisation avec les vélos à assis-tance électrique ainsi que des ateliers Vélobricolade furent ainsi mis en place, favorisant la mise en confiance progressive des participantes jusqu’au jour J. Et puis il y eut ce « C’est pas gagné ! » entendu de la bouche acerbe d’une mamie sur un banc en voyant passer le groupe, qui eut l’effet d’un jerrican d’EPO dans les veines et le mental des intéressées…

Osmose. 17 km/h et 68 km/jour de moyenne, le refus orgueilleux de poser pied à terre même dans  les portions à fort dénivelé, des accueils à bras ouverts en mairies, des conférences et des marques de solidarité émouvantes, des visites guidées accompagnées par le joyeux chant de guerre des participantes, des nuits en auberge ou chez l’habitant via l’association REEV ou la communauté Warm Showers, un final toutes habillées dans les vagues des Saintes-Maries-de-la-Mer au son d’accords de guitares gitanes – l’une des participantes, malentendante, posa alors son oreille sur l’une des guitares pour ressentir la mélodie –, un retour en bus par Transdev, des photos dès le lendemain sur Facebook de participantes déjà reparties pédaler par petits groupes… Il y eut comme une trainée rose fluo – la couleur de leur maillot – dans le sud-est de la France lors de ces  journées d’octobre où la pluie eut la bonne idée de ne tomber que lorsque ces dames étaient au chaud à l’intérieur. « Pouvons-nous parler d’osmose ? D’état de grâce ?, s’interroge Christine Aguettaz. En tout cas quelque chose s’est passé dans ce groupe, c’est indéniable. Est-ce le souvenir de toutes les épreu-ves traversées individuellement en amont puis ensemble cette semaine-là ? Est-ce le choix judicieux des itinéraires par Nicolas Mercat, qui a permis de pédaler en sécurité deux par deux en conversant, au point que nous en oubliions les kilomètres ? La présence rassurante d’une équipe soignante prompte à masser les bras qui gonflent ou les articulations qui grincent ? Celle d’hommes attentionnés pour des femmes en déficit d’image et de  confiance ? En tout cas quelque chose est né, ou plutôt est re-né, cette semaine-là. » Pour cette ancienne professeure d’EPS , qui souhaite pérenniser la démarche et a déjà programmé des retrouvailles mi-janvier à Valloire lors d’une sortie en raquettes, une certitude : « Quand je vois ce qu’elles ont fait malgré les métastases osseuses ou les récidives, je ne me plaindrai plus de mon petit genou qui couine ! »

Anthony Diao

Vélo & Territoires, la revue