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23e Congrès de la FUB : le vélo, incontournable dans l’après tout-voiture

Près de 600 personnes ont bravé les grèves ferroviaires les 9 et 10 mars pour se réunir au Couvent des Jacobins à Rennes pour le 23e Congrès annuel de la Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB). Au programme de ces deux journées d’études organisées en partenariat avec l’association Rayon d’Action : « Le vélo, incontournable dans l’après tout-voiture ». L’occasion de réfléchir collectivement à la question des mobilités et de réaffirmer la place du vélo comme mode de déplacement à part entière, pour toutes et tous, y compris hors agglomération. Vélo & Territoires était bien sûr présent. Retour sur quelques échanges clés.

Le vélo, une solution pleinement alternative pour tous les territoires 

Malgré l’actualité marquée par les grèves, le congrès n’en a pas moins réuni tout un ensemble d’acteurs de l’écosystème vélo français, en présentiel ou distanciel, à l’instar de Clément Beaune, ministre délégué chargé des Transports qui s’est prêté à un exercice de questions/réponses avec un panel de cyclistes. Dès sa prise de parole, le représentant de l’État a réaffirmé le fort potentiel du vélo en tant que « mode de transport », y compris « hors des centres-villes », et véritable “atout écologique, économique et industriel” pour la France. Un atout dont les territoires se saisissent pleinement, le ministre saluant le caractère pionnier des collectivités.

La deuxième journée n’a pas manqué de rappeler les enjeux d’investissement et de sécurisation des routes, préalables au développement du vélo, dans un contexte de « mono culture automobile » dénoncé par la FUB et d’un récent bilan inquiétant de la sécurité routière 2022. L’Ille-et-Vilaine, département hôte du congrès, l’a d’ailleurs bien compris avec l’adoption d’un ambitieux schéma vélo doté d’une enveloppe de 70 millions d’euros. L’objectif ? Créer un réseau cyclable départemental à haut niveau de service, dont les deux réalisations phares du passage inférieur (La Mézière) réservé aux modes actifs et la passerelle cyclable franchissant l’A84 pourront inspirer de nombreux territoires.

Les territoires peu denses étaient également à l’honneur de l’atelier « Hors agglo, point de vélo ? ». Pour Alice Peycheraux, doctorante à l’université de Lyon, « la présence même de cet atelier et son succès témoignent des dynamiques à l’œuvre dans les territoires ruraux ». Ces territoires ruraux, où les dynamiques vélo sont souvent fragiles ou en cours de structuration, ont besoin d’une nouvelle doctrine, évolutive, qui ne soit pas un « copier-coller des dynamiques urbaines ».  Il y a un réel enjeu à normaliser les pratiques actuelles, comme les itinéraires déjà empruntés par des cyclistes, et à se saisir des dynamiques touristiques. Dans la communauté de communes d’Erdre et Gesvres (CCEG), collectivité de 65 000 habitants en Loire-Atlantique, la stratégie vélo est engagée. Du stationnement à l’infrastructure, en passant par le service de location de VAE et l’accompagnement au changement, il s’agit de créer un véritable écosystème vélo sur un territoire où la voiture est largement dominante. Ces actions sont possibles grâce à l’engagement politique et financier de la collectivité, dont le budget vélo s’élève à 34 euros par an et par habitant. Si ce chiffre est impressionnant, la conseillère en mobilités à la CCEG, Camille Boceno, insiste sur l’importance des subventions, sans lesquelles la collectivité ne connaîtrait pas un tel engagement politique.

©FUB

Les financements : un indispensable du développement du vélo

Les échanges de ces deux jours convergent vers la problématique des financements. Tous les pans de l’écosystème vélo, de l’infrastructure à l’action associative en passant par la formation, ont besoin de financements, encore insuffisants aujourd’hui.

L’Institut d’économie pour le climat (I4CE) estime que pour atteindre les objectifs de la Stratégie nationale bas carbone, il faut tripler les investissements pour le vélo pour les porter à 50 euros par an et par habitant : « La capacité à accélérer l’investissement vient également de la problématique de pouvoir générer des projets. Ce qu’il manque, ce sont souvent des personnes et des associations pour penser les projets et assurer la maîtrise d’œuvre », souligne Morgane Nicol, directrice du programme Territoires de l’I4CE. « Il faudrait 6 ETP par 100 000 habitants pour suivre les projets d’infrastructures cyclables, soit 5 000 équivalents temps plein pour aider au développement du vélo en France. » La publication des résultats de l’Enquête nationale sur les politiques modes actifs, menée par Vélo & Territoires et le Club des villes et territoires cyclables et marchables, le 22 mars donnera un état des lieux des ressources humaines et financières actuellement dédiées au vélo en France.

La participation de Clément Beaune était l’occasion pour les associations de l’interroger sur cette problématique des financements et de rappeler le souhait porté par l’Alliance pour le vélo de voir 2,5 milliards dédiés au vélo sur le quinquennat. Une demande relayée par la députée européenne Karima Delli interpellant à son tour le ministre quant à la pérennisation des financements pour le vélo et l’augmentation nécessaire du budget alloué par l’État. Le ministre a indiqué un scénario budgétaire de planification écologique autour de 30 milliards pour les transports. Il faudra toutefois attendre encore pour en connaître le détail et la part allouée au vélo. Peut-être le premier Comité interministériel du vélo, annoncé à l’automne 2022 et prévu pour… début avril apportera un éclairage. « Je ne crois pas au zéro routier », indique le ministre. Pour autant, « des projets autoroutiers devront être abandonnés, d’autres priorisés ». Quelles que soient les priorisations, les subventions restent capitales pour bon nombre de collectivités.

©FUB

Coopération, transversalité et changement de braquet      

La transition des mobilités ne se fera pas sans une coopération à toutes les échelles. La métropole et la ville de Rennes ont rappelé l’importance du travail avec les associations, acteurs majeurs des politiques cyclables. La concertation des habitants, de manière générale, est fondamentale pour accompagner l’appropriation et le changement de pratiques. Le département  d’Ille-et-Vilaine insiste par ailleurs sur une autre coopération nécessaire, celle avec les EPCI pour travailler à la définition des itinéraires, aux contrats départementaux de solidarité territoriale, à l’appui technique. Au niveau régional encore, la conférence bretonne du vélo organisée à l’automne 2022 dans le cadre de l’élaboration du premier Plan vélo de la Région a rassemblé l’ensemble des acteurs de l’écosystème vélo régional. Des échanges qui illustrent tout le dynamisme d’un territoire mobilisé en faveur du vélo.

Un écosystème qui n’est pas sans rappeler les travaux de la filière économique du vélo, dont le rôle central dans la transition de « l’après tout-voiture » a été maintes fois cité. Les enjeux sont grands : penser les transitions et assurer la reconversion des emplois, valoriser la diversité des métiers du vélo et retrouver des compétences perdues à grandes échelles. Le développement de la filière et la décarbonation ne pourront se faire sans l’industrie y compris.

Ce que l’on retiendra de ces deux journées ? La FUB le rappelle dans sa stratégie 2030 : elle souhaite changer de braquet pour accompagner les transitions, sortir du « du tout-voiture» et « rassembler autour d’un modèle de société désirable, qui s’incarne notamment via le vélo ».  Trois milliards d’euros, c’est le chiffre d’affaires du vélo en 2022, mais c’est aussi le budget annuel du secteur automobile en matière de publicité ! Derrière ces chiffres, l’hégémonie culturelle détenue par le secteur automobile sur le secteur des transports est criante. Pour Renaud Fossard, co-fondateur de l’association Communication & Démocratie, « la massification du vélo dépend certes de l’architecture urbaine, mais il faut aussi diminuer la puissance de diffusion de l’automobile ». C’est la raison pour laquelle,  pour aller encore plus loin, Renaud Fossard incite le secteur économique du vélo à se positionner en faveur de la régulation de la publicité. Les publicités pour le tabac et l’alcool ont bien été interdites, pourquoi pas celles pour les véhicules les plus polluants ?

Lucille Morio

Politiques cyclables