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Avant/après le confinement : la mobilité résiliente ne peut se passer du vélo

La toile bruisse d’urbanisme tactique et d’aménagements cyclables provisoires. Environ 3,5 milliards de terriens sont actuellement confinés. Que se passera-t-il lorsqu’ils renoueront avec l’extérieur ? Chercheront-ils à éviter la promiscuité dans les transports publics ? Envisageons-nous un report modal vers la voiture ? Cela reviendrait à s’enfermer dans un garage avec l’échappement d’un moteur qui tourne et peu à peu nous étouffe. Ce serait irrespirable et invivable. Pour le déconfinement progressif, les solutions se construisent à présent en France et dans le monde. Sans savoir prédire l’avenir, la certitude est qu’il faut agir dès maintenant. La période actuelle offre de réfléchir aux mécanismes d’une mobilité plus résiliente. Le vélo en fait indéniablement partie.

Urbanisme tactique et aménagements provisoires : préparer l’après confinement

Rues, boulevards, avenues, périphériques, routes nationales, voies rapides et autoroutes n’ont jamais été aussi vides. Pour Dominique Riou, ingénieur au département transport-mobilité de l’Institut Paris-Région, « c’est peut-être l’opportunité pour gagner du terrain du point de vue des aménagements cyclables ». En région parisienne, la désaffection des transports collectifs en raison de la crise sanitaire se compensera sur la voirie. « Là où, sur une file de circulation, on fait passer 700-800 véhicules/heure, on peut faire passer beaucoup plus de vélos » et donc augmenter la capacité de transport de la voirie, indique le technicien.

En pleine réflexion sur des aménagements cyclables provisoires pour sa propre agglomération, un édile confie anticiper « un boom de l’utilisation du vélo en sortie de confinement. » Précisant que « si le report des transports en commun ne se fait pas sur les modes doux, il faut s’attendre à un risque d’embouteillages majeurs ». D’autant plus qu’en configuration « confinée », le faible trafic motorisé facilite les travaux : « Il n’y a pas de circulation ou de déviation à prévoir pour conduire les chantiers en ce moment. Il faut se servir de l’opportunité. »

En vue du déconfinement, la métropole de Lyon annonce la mise en place de l’urbanisme tactique. Elle promet « de nouveaux axes cyclables directs, sécurisés, rapides et des espaces piétons intelligemment révisés », ainsi que la garantie d’« un nouveau partage de l’espace public ». Objectif ? Des aménagements à l’attention des piétons, trotteurs et cyclistes « sur des axes directs, plus confortables et sécurisés, tout en préservant la distanciation sociale suffisante pour contrer une éventuelle contagion ».

Le département de Seine-Saint-Denis, qui dispose d’axes départementaux et d’anciennes routes nationales très larges en 2 x 2 voies, mais aussi Montpellier, Grenoble, Paris, Rennes, Nantes, Lille et Montreuil ont également confirmé leur intention de mettre en place des aménagements cyclables temporaires. La liste s’allonge de jour en jour. Pierre Serne, président du Club des villes et territoires cyclables, est invité à « recenser et appuyer les initiatives des collectivités » sur les infrastructures cyclables temporaires et à identifier leurs freins dans cette démarche. Pour les accompagner et les généraliser, le Cerema propose un webinaire sur les aménagements cyclables provisoires ce 22 avril.

Aménagements cyclables temporaires et confinement : quelles opportunités ? Cerema

Des fermetures d’itinéraires cyclables entravent les trajets vélo autorisés

Dans le même temps, et en dépit des clarifications de la ministre de la Transition écologique et solidaire, Élisabeth Borne, sur les conditions d’utilisation du vélo, la FUB recensait le 6 avril plus de 500 signalements citoyens, dont la moitié étaient verbalisés dans le cadre de motifs essentiels à vélo. « Des préfets ferment des pistes cyclables. Ce n’est pas acceptable. Non seulement le seul texte de référence n’interdit rien sur le vélo mais la communication des ministères à ce sujet est souvent contradictoire. Nous analysons les possibilités d’un recours juridique », indiquait Olivier Schneider, président de la fédération nationale. La FUB réclame que « l’ensemble des motifs prévus dans le décret du 23 mars » puissent être réalisés à vélo.

Hors agglomération, pour limiter les risques de regroupement, de nombreuses préfectures départementales interdisent l’accès « à l’ensemble des itinéraires cyclables, berges, sentiers touristiques, chemins de randonnées ou voies vertes ». Conscients de l’aberration à renvoyer les cyclistes au motif autorisé sur des routes moins directes et plus dangereuses, l’arrêté du 15 avril du Bas-Rhin précise à présent que « l’accès des voies cyclables est en revanche autorisé pour les autres motifs de déplacements prévus à l’article 3 du décret du 23 mars ». La gestion de ces espaces en période de confinement est certes complexe pour les forces de l’ordre, qui souhaitent concentrer leur attention sur la « grosse » voirie et les « gros » véhicules.

Pistes cyclables ou voies vertes, ces aménagements en site propre font partie de la voirie, doivent rester ouverts à la circulation cycliste pour motifs essentiels et être multipliés post-confinement. Les continuités cyclables dans le péri-urbain et hors agglomération doivent être rendus possibles. Reporter les cyclistes sur des RD à 70 ou 90 km/h n’est pas souhaitable et difficilement compréhensible. « Les radiales pénétrantes des agglomérations sont souvent des points noirs des itinéraires. Voilà l’occasion de tester la continuité des véloroutes le long de routes départementales », suggère Pierre Toulouse, consultant et ancien ingénieur du ministère des Transports.

Quel que soit le milieu, l’intérêt général est partagé. « L’humble vélo peut devenir une voie de changement », indique le professeur néerlandais Marco te Brömmelstroet, mais seulement « si, en même temps, nous veillons à nous détacher du système dont nous sommes issus. » 

Camille Thomé

Politiques cyclables