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La Manche, territoire cyclable

Extrait de Vélo & Territoires 47

Trois façades maritimes, 360 km de côtes, un statut de premier département agricole français, de pôle nucléaire mais aussi de point de départ du Débarquement en Normandie, la Manche est un territoire qui a amorcé en 2016 son deuxième Plan vélo. L’occasion de faire le point sur la politique cyclable de ce Département.

Entretiens avec :

  • Martine Lemoine, conseillère départementale, membre de la commission de l’attractivité territoriale en charge du tourisme rural
  • Jean-Claude Braud, élu du Conseil départemental, membre de la commission des infrastructures et de l’environnement.

À quand remonte le déclic vélo sur le territoire de la Manche ?
Martine Lemoine : Le vrai déclic sur notre territoire remonte à 1997. C’est cette année-là que des voies ferrées ont été déclas-sées, mises en vente puis acquises par le Conseil départemental. Il s’en est suivi une dizaine d’années d’aménagements qui nous ont conduit, en 2007, à travailler à l’élaboration de notre premier Plan départemental vélo. Celui-ci visait avant tout à assurer la continuité et la valorisation touristique de ce qui avait déjà été aménagé.

Quels sont les atouts du territoire de la Manche et, a contrario, ses handicaps, lorsqu’il s’agit de mettre en oeuvre une politique cyclable ?
ML : Au rang des atouts, saluons nos élus qui ont donc su saisir les opportunités foncières créées par Réseau Ferré de France que j’évoquais précédemment. Notre département a également su mettre à profit son réseau très dense de routes départementales afin d’amorcer rapidement la continuité de ses premiers itinéraires cyclables. Au rang des contraintes – qui sont aussi quelque part des richesses -, la protection de notre patrimoine, qu’il s’agisse des plages du Débarquement ou du Mont-Saint-Michel, oblige au respect d’un cahier  des charges strict. Ce dernier n’est pas sans incidence sur les délais d’avancement des dossiers, ainsi que nous avons pu le mesurer récemment sur un itinéraire relayant Pontaubault au Mont-Saint-Michel, où la Déclaration d’utilité publique a mis près de quinze ans à être acceptée, retardant d’autant le passage en phase travaux.

Quel bilan tirez-vous du Plan vélo 2009-2015 ?
ML : Ces six premières années nous ont en premier lieu permis d’assurer la continuité entre les tronçons de voies vertes déjà aménagées. En tout, 454 km d’itinéraires ont ainsi été réalisés, dont 240 km en site propre. Nous avons également entrepris un important travail qualitatif autour de La Véloscénie Paris au Mont-Saint-Michel, dont nous sommes pilotes, mais aussi autour du Tour de Manche et de la véloroute des plages du Débarquement au Mont-Saint-Michel, dont nous sommes cette fois partenaires. Nous avons enfin développé la marque Accueil Vélo sur notre territoire avec environ 80 établissements désormais référencés. Comme preuve de cette évolution positive, la plateforme nationale de fréquentation a constaté depuis 2012 une hausse de 5 à 15 % par an de la fréquentation sur nos itinéraires cyclables.

Quels sont les axes du nouveau Plan 2016-2021 ?
Jean-Claude Braud : Nous allons continuer à résorber les points noirs et étendre le réseau cyclable sur la partie littorale. Les points noirs concernent essentiellement des aména-gements de confort et de sécurité, ainsi qu’une amélioration de la continuité. À proximité de la commune de Carentan par exemple, la principale difficulté consiste en la traversée d’un axe routier. D’autres améliorations similaires sont également prévues du côté de La Haye du Puits, du pont de la Roque ou de Barneville-Carteret… À côté de cela, la connexion avec le département voisin, le Calvados, est aussi un enjeu, puisque l’idée est de relayer dans un proche avenir l’EuroVelo 4 à la commune de Carentan. Nous travaillons avec un établis-sement spécialisé sur la question des personnes malvoyantes dans le but de continuer à améliorer la circulation au moyen d’une lisse au sol. Nous avions testé ce dispositif une première fois mais il a besoin de retrouver une seconde jeunesse !

D’autres aménagements sont à prévoir ?
J-CB : Comme évoqué plus tôt, la transformation de la route partagée qui relie Pontaubault au Mont-Saint-Michel vient enfin de franchir l’étape de la Déclaration d’utilité publique. Nous espérons pouvoir enclencher les premiers travaux d’ici la fin de cette année 2017. L’ensemble de ce processus de transformation représente un budget de l’ordre de 2,3 millions d’euros. Surtout, l’un de nos objectifs à terme est de parvenir à drainer une clientèle nouvelle. Pour cela, deux dispositifs ont été mis en place. Le premier prend la forme de deux contrats de destination autour du tourisme de la Mémoire et du Mont-Saint-Michel, tandis que le second revêt la forme d’un contrat SPôTT, avec la structuration de pôles touristiques territoriaux dans le but de valoriser progressivement les sites de second rang comme le Tour du Cotentin à vélo, et arriver ainsi à déplacer le curseur depuis le littoral jusqu’à l’intérieur des terres.

Qu’en est-il des itinéraires phares ?
J-CB : Le cœur de notre stratégie touristique reste la valorisation de nos ressources  exceptionnelles. Nous avons la mer, le bocage, un patrimoine riche, d’excellents produits du  terroir… Les grands itinéraires constituent à cet égard une vraie vitrine, que nous souhaitons compléter par la création de boucles locales dans le souci constant de développer des relais forts. Latitude Manche (ex-Manche Tourisme depuis mars 2017, voir encadré) travaille main dans la main sur ces thématiques avec les EPCI. Il s’agit d’une vision transversale, qui combine le tourisme à vélo, pédestre ou piétonnier, avec toujours cette ligne claire : donner envie aux gens de venir se ressourcer dans la Manche.

Ces boucles ont-elles leur propre cahier des charges ?
J-CB : Oui, car elles relèvent du référentiel mis en place par les DRC, notamment en matière de couleurs. Nous cherchons à développer une pratique familiale, à laquelle nous apportons des services et de la logistique.

Quels sont les enjeux derrière cette politique de valorisation ?
ML : Beaucoup d’équipements sont à améliorer et les détails sur des sites naturels sont innom-brables. Ils concernent la sécurité, les consignes, les prises de courant pour pouvoir recharger les VAE, les kits de réparation, le portage des baga-ges, les mobiliers découvertes, les applications comme Kit M… Dans le sud de la Manche, le passage de La Véloscénie nous oblige à être au point en matière d’Accueil Vélo et d’intermodalité puisque les ferries et les voies ferrées offrent autant de possibilités à proximité. Dans tous les cas, nous n’oublions pas que nous nous adres-sons avant tout à une clientèle familiale soucieuse de faire au plus simple et accessible. Tout cela crée du lien.

Votre signalétique est-elle harmonisée sur l’ensemble du territoire de la Manche ?
ML : Complètement. Nous suivons en effet les recommandations du Cerema tant pour les itinéraires nationaux que les itinéraires européens.

Idem pour le revêtement choisi ?
ML : Oui. La norme est le sableux ciment compacté, avec un liant fait à la chaux à hauteur de 5 %.

Qui s’occupe de l’entretien ?
ML : L’entretien est coordonné par le Conseil départemental avec la participation des EPCI, avec qui nous fonctionnons par convention.

Quel budget représente cette politique cyclable ?
ML : Nous restons peu ou prou sur la même enveloppe que celle qui nous avait été octroyée en 2009, à savoir 6 millions d’euros, dans le cadre de notre maîtrise d’ouvrage départementale.

Des études chiffrées ont-elles eu lieu ?
ML : Oui. Un bilan de fréquentation, effectué à partir des données collectées entre avril et septembre 2016 auprès de onze compteurs multimodaux répartis sur l’ensemble du territoire manchois, a révélé une hausse de 6 % de la fréquentation vélos en un an. À elles seules, les voies vertes de la baie du Mont-Saint-Michel ont enregistré une hausse de 14 % et représentent 65 % des passages comptabilisés sur nos compteurs. Nous touchons sans doute là le fruit des actions de communication engagées, au premier rang desquelles l’organisation du départ du Tour de France 2016… Pour le reste, il y a bien eu une enquête de satisfaction sur La Véloscénie, mais elle a été réalisée en dehors de la méthodologie généralement employée en pareil cas. En gros, nous arrivons à un chiffre de 53 à 55 euros de dépense quotidienne d’hébergement, à laquelle il faut ajouter le coût des visites et du repas de midi. En cumulé, nous sommes bien dans les 70 euros habituellement recensés en pareil cas. Par ailleurs nous avons vu évoluer la clientèle, qui va désormais des touristes étrangers de longue distance de type Néerlandais ou Allemands, à des cyclistes français venus d’un peu partout en France.

Manche Tourisme n’est plus, vive
« Latitude Manche, Agence d’attractivité territoriale de la Manche »

« Le 23 mars 2017 à la Cité de la mer de Cherbourg-en-Cotentin, Manche Tourisme est officiellement devenue Latitude Manche. L’agence s’inscrit ce faisant dans une démarche d’attractivité territoriale, permettant de se démarquer d’autres départements concurrents en mettant l’accent sur le développement démographique – en incitant par exemple des médecins à venir s’installer sur le territoire manchois -, sur les entreprises innovantes [cf. le projet Bhyke, V&T 45], sur ces influenceurs en matière agroalimentaire, nucléaire, etc. Plus de 500 acteurs locaux ont participé à cette soirée de lancement. La politique cyclable du Conseil départemental s’inscrit donc en plein dans ces objectifs de valorisation de la Manche. »

Benjamin Tetart,
directeur de l’agence d’attractivité Latitude Manche

Pour en savoir plus : www.manche.frwww.manchetourisme.com www.cestbeaulamanche.com


La Petite Reine, accompa-gnateur de balades à vélo électrique en Normandie

Trois questions à Hugo Guillochin, gérant de la Petite Reine

Comment est née Petite Reine ?
En mars 2016, je sortais de plusieurs années de salariat dans le culturel et j’avais envie d’évoluer en me mettant à mon compte. J’avais pour moi de savoir parler anglais, une bonne connaissance du réseau hôtelier de la région et des itinéraires cyclables en Normandie. J’étais aussi passionné de VTT. J’ai donc fait le tour des professionnels du tourisme à vélo sur le Net et dans les environs pour étudier le marché et tenter de concilier l’ensemble de ces compétences. Je me suis alors aperçu qu’il y avait une vraie attente sur ce créneau – même si, renseignement pris, le VTT n’était pas le modèle le plus demandé.

C’est ainsi que vous êtes devenu accompagnateur…
Au départ j’avais envisagé de vendre des circuits clé en main sans accompagnateur. J’ai eu la chance de bénéficier des précieux conseils de Justin Briane de la boutique Accro Vélo à Caen. Son père, François de Loc Vélo, et lui m’ont plutôt conseillé de commencer comme prestataire de services, eux se chargeant de me fournir le matériel nécessaire – des vélos Moustache à moteur Bosch, mais aussi des Cannondale, des Specialized, etc. – pour pouvoir démarrer cette activité de la manière la plus simple possible.

Quel est le bilan de cette première année d’existence ?
Il est très encourageant. La saison s’étalant du printemps à l’automne, j’ai fait le point en octobre 2016. Le choix de miser sur ma connaissance de la région et de l’anglais s’est avéré payant puisque la demande est réelle, en particulier chez les touristes étrangers, en raison des caractéristiques géographiques et surtout historiques des lieux. Le fait de me rendre disponible sept jours sur sept et de proposer des excursions d’une demi-journée sur le modèle de ce qui se fait d’habitude dans la région s’avère également porteur. Quant à la saison creuse, elle n’est pas de trop pour mettre l’accent notamment sur les parties formation et communication de cette activité, et ma compagne s’avère une aide précieuse sur ce point.

Pour en savoir plus : www.petitereinenormandie.fr


Les chambres d’hôtes du Manoir de Clérisson

Trois questions à Françoise Boscher, propriétaire

Comment êtes-vous venue à ouvrir des chambres d’hôtes ?
Cela s’est fait tout à fait par hasard. En 2003 la secrétaire de l’Office de tourisme de Sourdeval m’a fait remarquer que, vu que nos enfants étaient désormais en âge de voler de leurs propres ailes, peut-être pourrions-nous en profiter pour transformer notre maison en chambres d’hôtes. Mon mari et moi n’y avions jamais pensé et effectivement, comme nous ne sommes qu’à une soixantaine de kilomètres du Mont-Saint-Michel, cela pouvait être intéressant. Comme il partait à la retraite à cette époque, nous avons fait un an de travaux pour nous conformer au cahier des charges des Gîtes de France. Depuis, ça ne désemplit pas !

La marque Accueil Vélo, c’est un choix qui s’est imposé naturellement ?
Etant situés à 200 m d’une voie verte, nous en avons entendu parler par les Gîtes de France, qui nous ont contactés à cet effet. Nous avons pris soin de nous assurer que ça ne représenterait pas un surcroît de travail trop important pour nous et donc depuis 2013 nous sommes effectivement labellisés.

Quelles perspectives cette marque a-t-elle ouvert pour vous ?
Nous avons toujours eu des cyclistes de passage mais c’est vrai qu’aujourd’hui ils représentent 30 % de notre clientèle. C’est un public souvent très bien équipé donc qui demande peu de choses si ce n’est parfois de pouvoir laver leur équipement. En général ils arrivent lessivés après une longue étape mais sont très ouverts à la discussion. Nous avons ainsi reçu des cyclistes d’un peu de toute la France, des couples, des familles avec remorque, des gens qui font le Tour de Manche, des Américains, des Islandais, des Australiens, des Néo-Zélandais, prochainement des Chinois… Notre région du Mortainais a toujours été propice à ce genre de rencontres mais c’est vrai que le tourisme vert permet de davantage prendre le temps. Quant à la barrière de la langue, je me débrouille ce qu’il faut en anglais, Google est là pour le reste et puis surtout je n’oublie pas que si les touristes viennent en France, c’est aussi pour y entendre parler français [Sourire] !

Pour en savoir plus : http://manoirdeclerisson.e-monsite.com

Propos recueillis par Anthony Diao

Vélo & Territoires, la revue