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Écocycle – La surface de réparation


Occasion : se dit d’objets que l’on achète à bon marché, soit parce qu’ils ont déjà servi, soit parce que le marchand veut s’en débarrasser. En matière de vélo, occasion rime, depuis 1974, avec Écocycle. Explications.

Le nom, déjà. Simple au point qu’il suffisait d’y penser. Combien sont-ils, sur ces quatre dernières décennies, à avoir envisagé de l’adopter pour leur activité ? Combien sont-ils, après deux clics sur Google, à avoir finalement constaté qu’il était déjà porté, et de longue date, par l’enseigne de deux frères d’Aquitaine ? Nés à l’aube des Trente Glorieuses et enseignants dans une première vie – en mathématiques pour l’aîné, en éducation physique et sportive pour le cadet –, Michel et Christian Barbier sont de cette génération pour qui l’année 1968 s’est présentée comme un rond-point à deux sorties dont une impasse. La société de consommation et sa foi en queue de lézard, où tout ce qui se détériore semble soudain pouvoir repousser ? Ils la laissent à d’autres. Se méfient comme un Pierre Rabhi du culte contemporain d’une “croissance infinie dans un monde fini.” Leur dada à eux, c’est le vélo – où plutôt les multiples vies que leurs habiletés manuelles semblent en mesure de lui offrir lorsque ce dernier paraît sur le point de rendre l’âme. Écocycle voit le jour en 1974, en ce 36 avenue Aristide-Briand à Mérignac (Gironde) où, 42 ans et des milliers de changements de roues ou de resserrements de freins plus tard, l’atelier réside toujours. « Entre jeter une chambre à air et coller une rustine, notre choix a toujours été clair ! », résume Christian Barbier, aujourd’hui gérant de cette SARL qui emploie huit ouvriers et apprentis pour un chiffre d’affaires de 350 000 euros.

Expérience

De 1986 à 1989, Écocycle a fait l’expérience du statut d’association Loi 1901. En plus de ses locaux de Mérignac, elle récupère une tour HLM de quatorze étages en attente de démolition à Cenon, de l’autre côté de Bordeaux. « Nous avions été lauréats d’un concours intitulé Loisirs au quotidien, détaille ce militant tellement rétif à l’objet voiture que le permis de conduire fut pendant long-temps un mot tabou. Cela nous a permis de travailler avec des jeunes qui bricolaient en bas des tours, mais aussi de nous faire connaître à une plus large échelle. » Parmi les actions médiatisées, l’envoi de 50 vélos par Air France au Burkina Faso. Une opération d’autant plus remarquée que, pour apporter les montures à l’aéroport, l’équipe prit soin de parcourir… à vélo les 20 km reliant Cenon à Mérignac, puis de revenir en bus.

Communication

“150 cycles d’occasion. Arrivage permanent. Chez nous, tout se répare, tout s’achète, tout se vend.” Fidèle à la devise inscrite à l’entrée du magasin, le cœur de l’activité d’Écocycle est donc aujourd’hui revenu à la réparation et à l’entretien de vélos, de cyclos ou de scooters, à leur vente, leur location, leur achat et même au dépannage à domicile. « Nous réparons environ 3 000 machines par an, poursuit le gérant, pour un total d’environ 1 400 vélos d’occasion vendus. » Les vélos restaurés viennent de dons de particuliers – souvent ponctués de la phrase « Parce qu’on sait que vous allez en faire quelque chose » -, mais aussi de loueurs de la côte Aquitaine lorsqu’ils renouvellent leurs stocks de fin de saison. Il s’agit essentiellement de « bons vieux vélos français, anciens voire très anciens puisque nous avons les pièces qu’il faut, peu de VAE ou de haut de gamme. » L’ensemble s’appuie sur une conscience aiguë des enjeux de l’époque. L’enseigne consacre en effet 7 % de son budget à la communication et fait partie des précurseurs d’Internet, puisque son site web a été mis en ligne dès 1996.

Apprentissage

Partenaire notamment du groupe industriel Safran Herakles – « ils fabriquent 95 % des explosifs pour les Airbags du monde entier, l’accès au site est dangereux et s’effectue principalement à vé-lo »-, Écocycle a récemment pesé de tout le poids de ses quatre décennies d’expérience pour une meilleure prise en compte du vélo lors de la mise en place du Contrat d’apprentissage profes-sionnel Mécanicien cycle. « Ce contrat était sensé couvrir le monde du vélo et du cyclomoteur, développe Christian Barbier, mais très vite il s’est orienté quasi exclusivement vers le monde de la grosse moto. À l’arrivée, nous nous retrouvions rattachés à la convention collective de l’auto-mobile ! C’est un contresens absolu puisque, à la limite, notre activité aujourd’hui est peut-être plus proche de celle du cordonnier que de celle de l’automobiliste ! » Ni une, ni deux, ce vétéran de l’apprentissage contacte les politiques compétents et, en 2014, le contrat de qualification professionnelle de Technicien cycle voit le jour.

Voie

Autre concept cher à Écocycle : celui de Vélo Libre. Chaque soir, un vélo en état de marche est mis gratuitement à la disposition du public. Premier intéressé, premier servi. En échange, l’entreprise compte sur le public pour jouer le jeu et, à son tour, penser à leur déposer un vélo dont le propriétaire d’origine n’a plus l’utilité… Quel regard portent ces pionniers sur l’évolution de la sensibilisation aux enjeux cyclables en France ? « Il y a eu une belle prise de conscience. Les gens sont beaucoup plus ouverts à ces questions. Quand je vois que Bordeaux compte aujourd’hui 4 % de cyclistes et que l’objectif du maire est d’arriver à 15 %, je me dis que nous sommes sur la bonne voie. » Une voie, une route, une avenue que la structure aura contribué à dégager, à son échelle, à petits coups de clés à rayons, de lubrifiants pour chaînes ou de pinces coupe-câbles.

Anthony Diao

Pour en savoir plus : www.velo-occasion.com

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