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DTone

Le vélo dans la ville : parcours en trompe-l’oeil

Dessinateur français né en 1971, DTone s’est très tôt intéressé à la BD et au graffiti. Diplômé en exécution publicitaire et en narration figurative, il se revendique comme un « artiste afro-iconographique » inspiré autant par les maîtres verriers que par l’iconographie éthio-pienne, avec « ses contours au plomb, sa transparence de vitrail et cette impression que la lumière vient de l’arrière du dessin ». À son palmarès, des réalisations pour Eastpack, agnès b. ou la FIFA à l’occasion de la Coupe du monde de 2010 en Afrique du Sud. Il se déplace en vélo de course Specialized et exposait en juin dernier dans le 6e arrondissement de Paris, sur le thème du vélo dans la ville.

  • Quelle est l’intention derrière cette exposition Street Machine ?

J’ai choisi cette thématique du vélo en ville pour poursuivre mon questionnement vis-à-vis de l’image. Le vélo m’est apparu comme un fil conducteur intéressant. Il permet symboliquement
de voyager d’un lieu à un autre, d’une époque à une autre.

  • C’est une idée qui remonte à longtemps ?

La thématique de départ, c’était les coursiers à vélo. Les premiers dessins de cette série remontent à la période 2005-2007. Ils ont eu du succès sur Internet et à l’étranger. En France ça plaisait, mais… la cause vélo n’avait pas pris comme maintenant. Lorsque j’ai retravaillé dessus en 2012, le vélo était dans l’air du temps. Le créneau des coursiers devenait moins pertinent puisqu’il a beaucoup été traité depuis. Alors j’ai retiré les coursiers et j’ai conservé la thématique de la ville.

  • Certaines images mettent en scène des vélos dans des rues américaines…

En fait je suis parti d’un arrêt sur image sur une scène du film Do the Right Thing de Spike Lee. Cela se passe à Brooklyn, mais quelque part le lieu exact est secondaire puisque, par la suite, le visiteur
se retrouve à bicyclette aussi bien dans les rues de Paris que dans celles de Djakarta, sans jamais que ces villes ne soient nommées. Il y a aussi des références à la série américaine Tout le monde déteste Chris, qui se passe à Brooklyn, ou à la figure de Rosa Parks entourée d’une ribambelle d’enfants. C’est en somme un voyage en trompe-l’œil, qui fait appel aux fausses pistes, aux sensations de déjà-vu et à l’imaginaire. Chacun voit ensuite midi à sa porte.

  • Comment le vélo est-il devenu le dénominateur commun de cette exposition ?

Il y a quelques années j’ai travaillé sur une expo intitulée Black Stars. J’y mettais notamment en scène l’Américain Taylor Marshall. Je me suis alors aperçu que beaucoup de gens ignoraient
tout de ce pistard noir qui fut considéré comme le cycliste sur piste le plus rapide du monde de 1899 à 1904, malgré les nombreuses discrimi-nations dont il fut l’objet à l’époque. Lorsque je vois l’engouement autour du fixie aujourd’hui, il m’a paru important de raconter l’histoire d’un homme comme lui, qui était surnommé en France “le nègre volant“. Car il y a le vélo et il y a les hommes qui le font avancer.

  • Justement, vous annoncez en marge de l’exposition vouloir « éditer un fixie ». Qu’est-ce à dire ?

Nous sommes partis de certaines pièces d’origine du vélo de Taylor Marshall, que nous avons repeintes en noir et avec les trois couleurs primaires que sont le bleu, le rouge et le jaune. Nous lui avons ajouté une plaque en laiton et l’avons placé sur des lamelles de pin d’Oregon brûlé, en référence aux vélodromes de l’époque. L’idée était de donner vie aux visuels. Que le public qui
visite la galerie puisse matérialiser ce vélo. La boucle était ainsi bouclée.

  • Quelles sont les suites prévues pour cette exposition ?

Il est prévu de commencer à tourner en France et à l’étranger à partir de la rentrée de septembre. Comme cela se fait souvent en matière d’art, le fixie va être décliné en 12 exemplaires numérotés – le premier a d’ailleurs déjà trouvé acquéreur. Avec la galerie et En’s, le créateur, nous travaillons sur une veste et une casquette en cuir qui iront avec ce vélo. Allier l’utile au beau et à l’efficace, c’est une démarche qui me plaît.

Propos recueillis par Anthony Diao

 

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