Suppression des ZFE : un recul pour la transition écologique, la santé publique et les mobilités
La suppression des Zones à Faibles Émissions (ZFE) a été votée le 28 mai dernier à l’Assemblée nationale dans le cadre de l’examen en première lecture du projet de loi de simplification de la vie économique. Cette suppression constitue un mauvais signal politique pour l’atteinte des objectifs environnementaux fixés par la France.
Ce dispositif restreint la circulation des véhicules les plus polluants au sein d’un périmètre donné. La ZFE vise donc à accélérer le renouvellement du parc roulant, avec des étapes progressives. Déjà adoptée par 315 villes ou métropoles européennes, la ZFE est reconnue comme particulièrement efficace pour réduire les émissions de polluants provenant du trafic routier. La mauvaise qualité de l’air est aujourd’hui un enjeu sanitaire majeur avec près de 40 000 décès par an et un développement alarmant des maladies chroniques respiratoires, cardiovasculaires et métaboliques. La mise en œuvre des ZFE a aussi permis d’amorcer une prise de conscience collective sur l’usage de la voiture en ville et un développement d’alternatives à son usage.
« C’est un renoncement incompréhensible ». La remise en cause brutale des ZFE a suscité l’incompréhension et la consternation des élus de notre Conseil d’administration qui y voyaient un levier indispensable pour :
- Faire progresser les mobilités actives,
- Améliorer la qualité de l’air,
- Réduire les inégalités environnementales,
- Enclencher des investissements en faveur de la marche, du vélo, du transport collectif et du renouvellement des flottes de véhicules automobiles polluants.
L’inaction publique fragilise fortement la transition environnementale
Plus largement, la suppression des ZFE interroge sur la cohérence et l’ambition de notre politique de transports, de lutte contre le dérèglement climatique et de santé publique. Alors que les ZFE devraient constituer un pilier de cette stratégie, leur démantèlement s’ajoute à une série de signaux préoccupants : fin du Fonds mobilités actives, incertitude sur le Fonds vert, fin de certains certificats d’économie d’énergie (CEE)… C’est toute une dynamique qui se trouve aujourd’hui détricotée alors même que les collectivités n’ont jamais autant été engagées dans la transition écologique.
La suppression des ZFE apparaît comme une nouvelle pierre majeure qui tombe de l’édifice bâti par la loi Climat et Résilience (août 2021). À ce rythme, que restera-t-il demain de cet engagement législatif ?
Un coût financier et politique majeur pour l’État
La suppression des ZFE ne constitue pas seulement un recul environnemental et social : elle pourrait aussi coûter cher à la France. Comme l’a rappelé le ministère de la Transition écologique puis confirmé le Trésor, cette suppression pourrait être considérée par la Commission européenne comme une annulation d’engagements dans le cadre du Plan national de relance et de résilience (PNRR). Résultat : jusqu’à 3,3 milliards d’euros d’aides européennes prévues pour 2025 sont menacés, et la France s’expose à un risque de remboursement d’un milliard d’euros déjà perçus. À l’heure où les collectivités ont besoin de financements pour investir dans des mobilités durables, cette décision envoie un signal politique négatif aux partenaires européens et affaiblit la crédibilité de la transition écologique française.
En définitive, supprimer les ZFE reviendrait non seulement à ralentir les efforts de décarbonation des transports, un secteur déjà mauvais élève, mais aussi à affaiblir la capacité de la France à se conformer aux recommandations européennes, condition indispensable pour accéder aux financements fléchés (Fonds social pour le climat, RTE-T, Feder…). Maintenir et adapter les ZFE, plutôt que les supprimer, est donc un enjeu environnemental et sanitaire et un gage de cohérence et de crédibilité de la politique nationale vis-à-vis des engagements européens.
Les demandes du Réseau vélo et marche
- Poursuivre le développement des ZFE
- Réactiver un fonds pluriannuel dédié aux mobilités actives, afin de financer les infrastructures cyclables et marchables, du stationnement vélo sécurisé, les services vélo de proximité, l’apprentissage et des actions de sensibilisation.
- Émarger aux financements européens dédiés au développement des mobilités décarbonées
- Réinstaurer les aides à l’achat, renforcer la lisibilité et l’accessibilité des aides à la conversion et à l’acquisition de vélos, à travers une campagne nationale claire, inclusive et territorialisée.
- Inclure la mobilité comme levier structurant de lutte contre les inégalités dans l’ensemble des politiques sociales, climatiques, de santé, d’emploi et de cohésion territoriale.
- Réaffirmer la priorité aux modes actifs (marche, vélo, apprentissage, stationnement sécurisé), en soutenant les initiatives locales portées par les collectivités, les acteurs associatifs et les habitants.
- Maintenir un objectif clair de décarbonation, cohérent avec les enjeux climatiques, sociaux et sanitaires, en s’appuyant sur des mesures incitatives plutôt que sur des reculs réglementaires.
Domitille Lécroart, Romain Legros & Thibault Hardy