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Le fluvestre au service d’une logistique urbaine durable

Longtemps évacuée en deuxième couronne des agglomérations, la logistique redevient une priorité pour les territoires urbains denses. Le transport de marchandise en ville influe considérablement sur l’utilisation de l’espace public, le dynamisme économique, la qualité de vie et la qualité de l’air. C’est pourquoi, par le biais de leur Plan d’aide au report modal, Voies navigables de France mènent plusieurs expérimentations en logistique urbaine fluviale. Parmi elles, les services de livraison combinant acheminement fluvial et vélo-cargo. Offrent-ils une vraie alternative et permettent-ils de réduire les émissions liées aux livraisons urbaines ? Illustration avec les initiatives strasbourgeoise et parisienne.

Des marchandises par bateau puis vélo au cœur de Strasbourg

Lauréat de l’appel à projets lancé en octobre 2019 par Voies navigables de France (VNF), en lien avec l’Eurométropole et la Ville de Strasbourg, l’opérateur privé Urban Logistic Solutions (ULS) propose la livraison en centre-ville de Strasbourg par voie d’eau associée à une logistique du dernier kilomètre effectuée par des vélos-cargos à assistance électrique depuis ce printemps. Concrètement, comment cela fonctionne ? ULS dispose d’un entrepôt dans le port industriel de Strasbourg. Il sert de hub et d’accueil des marchandises qui sont ensuite conditionnées en caisses standardisées, puis acheminées par barge jusqu’aux portes du centre-ville. Arrivées à la plateforme « Fischerstaden » (située quai des Pêcheurs à deux minutes de la cathédrale) les caisses sont déchargées et prises en compte par les livreurs en vélo-cargo. Ce service approvisionne surtout les bars, les restaurants et livre des colis aux particuliers. Le retour ne se fait pas à vide puisque les livreurs transportent les déchets recyclables des magasins en centre-ville. Ce service fluvestre combiné permettra de transporter et livrer 122 tonnes de marchandises et 48 tonnes de produits de recyclage par rotation journalière. Cette initiative s’inscrit dans un cadre réglementaire favorable puisque la Ville de Strasbourg a instauré en 2018 une zone à faibles émissions qui restreint à la fois la taille des véhicules de livraison, leurs émissions et les horaires auxquelles ils peuvent accéder au cœur de la cité. Contrairement à une livraison en camionnette, les livreurs en vélo-cargo peuvent assurer des rotations toute la journée entre la plateforme « Fischerstaden » et le centre-ville.

Acheminement de la marchandise par barge jusqu’aux portes du centre-ville de Strasbourg

Du port de Gennevilliers au centre de Paris

Du côté de Paris, c’est dès septembre 2019 que le service Fludis de logistique bateau et vélo-cargo a été lancé pour relier quotidiennement le port de Gennevilliers à Paris. « Le projet Fludis propose une conception de l’espace de travail unique en son genre, appelé l’agence mobile. Il a reçu Le Grand prix 2020 du magazine Ville, Rail & Transports dans la catégorie Logistique urbaine » introduit David Berthet de VNF Direction territoriale Bassin de la Seine. « Contrairement à l’initiative strasbourgeoise, il repose sur un bateau-entrepôt autodéchargeant, indépendant de toute infrastructure à quai. » Un bateau-entrepôt à propulsion électrique de 38 mètres de long (format classique des péniches Freycinet) peut accueillir jusqu’à trente vélos-cargos à assistance électrique, est équipé de deux grues embarquées et charge ses palettes à l’aube au port de Gennevilliers. « Pendant le trajet de 2 heures jusqu’au centre de Paris, les livraisons sont préparées à bord pour optimiser les tournées. Au fil des quatre escales parisiennes, chaque vélo peut assurer jusqu’à quatre tournées par jour, emportant, chaque fois, jusqu’à 250 kg de marchandises » précise David Berthet.

Organisation en « milk-run » du projet Fludis à Paris

Les vélos-cargos à assistance électrique Cyclofret développés par Fludis, peuvent charger, poser, transporter et déposer une europalette standard ou un conteneur amovible sécurisé grâce au système de levage embarqué. Les tournées sont organisées en milk-run (tournée du laitier, ndlr.) qui assurent des boucles de livraison courtes et fréquentes. Pour éviter que le bateau ne rentre à vide, les livreurs une fois délestés collectent des déchets d’équipements électriques et électroniques légers (batteries, piles, …) afin de les acheminer sur le site de tri de Gennevilliers. Soutenu par VNF, la région Île-de-France, l’opérateur immobilier Idec, la Banque des Territoires qui intervient pour son propre compte et pour le Programme d’investissement d’avenir Ville de Demain, le concept Fludis vise principalement le marché des livraisons diffuses (colis, palettes) porté par le secteur du e-commerce en pleine croissance. Les premiers clients ? Les acheteurs d’Ikea et de Lyreco, ainsi que le spécialiste du recyclage Paprec pour la collecte des déchets. Ce nouveau mode de livraison est momentanément suspendu en raison d’un problème de conception du bateau-entrepôt électrique mais devrait reprendre son activité début 2021.

Inauguration du bateau Fludis à Paris en septembre 2019 ©VNF

Une mutation écologique nécessaire

Pour David Berthet de VNF « la crise que nous traversons a accéléré le besoin de trouver des solutions alternatives pour une logistique urbaine plus durable ». Sur fond d’une réappropriation progressive de la voie d’eau dans de nombreux territoires, la logistique alliant bateau et vélo offre des perspectives intéressantes. Générant jusqu’à cinq fois moins d’émissions de CO² que le transport routier, la voie d’eau se positionne comme l’allié de la desserte des grandes agglomérations et de la massification des flux. Les bateaux circulent sur une infrastructure non encombrée et fiable et peuvent livrer de gros volumes au plus proche du cœur des villes. La livraison du dernier kilomètre en vélo-cargo, quant à elle, répond à une question essentielle : comment réduire significativement la masse des véhicules par rapport à la charge transportée ? À vélo, nos villes se transforment, deviennent plus humaines, plus agiles, avec moins de congestion, moins de nuisances sonores, moins de pollution de l’air, une meilleure utilisation de l’espace public et une meilleure qualité de vie. Les initiatives strasbourgeoise et parisienne témoignent de la volonté des territoires de développer de nouveaux modes d’approvisionnement efficaces et respectueux de l’environnement et qui mutualisent les flux. Les tests réalisés dans le cadre du projet Fludis chiffrent les bénéfices à 110 tonnes de CO2, 300 000 km de camionnette et 12 500 heures de congestion évités autour de Paris chaque année. Le rôle de VNF ? « Aux côtés des ports fluviaux, nous soutenons et accompagnons les chargeurs et les industriels dans les études et l’expérimentation de nouvelles solutions logistiques adaptées à leurs besoins » répond David Berthet. Sur 2018-2022, un budget de 29 millions d’euros (hors co-financement des régions) est ainsi consacré au Plan d’aide au report modal destiné à accompagner les chargeurs dans leur transition et au Plan d’aide à la modernisation et à l’innovation destiné à favoriser l’adaptation de la flotte aux exigences environnementales et réglementaires. « Le rôle de VNF est aussi de montrer aux collectivités que des solutions alternatives existent et fonctionnent. » Les services de logistique urbaine combinant bateau et vélo sont encore rares en France et en Europe. Ces premières réussites donnent des réponses concrètes sur la manière de relever le défi d’une logistique plus durable.

Dorothée Appercel

Politiques cyclables