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Retour sur Velo-city 2019 

L’Irlande était à l’honneur pour la plus grande conférence cycliste au monde du 25 au 28 juin dernier. Dublin, après avoir accueilli un premier congrès en 2005, a de nouveau été le centre névralgique de la sphère vélo internationale pendant 4 jours. Conférences et ateliers divers se sont succédé pour permettre aux 1300 participants d’échanger leurs expériences, succès ou échecs. Objectif : confirmer l’élan actuel du vélo et lui donner, demain, toute la place qu’il mérite.

Le vélo dans la ville du futur

Les 300 intervenants du congrès se sont appliqués à le démontrer : c’est le retour à la mobilité active et raisonnée. Velo-city est l’occasion pour les acteurs du vélo de s’interroger : comment confirmer cet élan ? Comment le vélo permet-il de relever les défis de mobilité urbaine dans la ville du futur ? Ces questions étaient au cœur de la plénière d’ouverture du congrès. L’occasion bien sûr de parler des évolutions technologiques et des nouvelles solutions de mobilité qui prennent d’assaut les villes aujourd’hui. « La technologie de doit pas être une fin en soi » rappelle Klaus Bondam, directeur de la Fédération danoise de cyclisme (FDC). « La concurrence pour l’espace sera un des plus grands défis de la ville du futur. L’innovation doit permettre de limiter cette concurrence, pas de l’exacerber ». Pour l’urbaniste ougandaise Amanda Ngabirano, « ce sont d’abord les personnes qui devront être au centre de cette ville du futur. Le vélo doit être un outil pour créer une ville innovante et inclusive pour tous ».

Mobilité inclusive

L’une des principales questions pour ce cru 2019 de Velo-city était celle du vélo pour tous et toutes, sans distinctions de genre ou d’âge. « Encore aujourd’hui, les femmes apparaissent en Europe moins représentées parmi les cyclistes que les hommes. » explique Giulia Grigoli de l’association locale Dublin Cycling Campaign. « À Dublin les femmes constituent seulement 27% de la totalité des cyclistes. Il y a un long travail à faire pour changer les mentalités à ce sujet ». Un changement qui passe par aussi par le storytelling. En Turquie par exemple, l’association Women on Bicycle se mobilise pour (ré)éduquer les femmes à la pratique du vélo. « Nous organisons des programmes radiophoniques où nous racontons nos histoires de femmes cyclistes » explique Seçil Öznur Yakan, co-fondatrice de l’initiative. « Cela motive les autres femmes à faire du vélo. Ça sensibilise aussi les élus et la population à cette idée ». En plus des questions de genre, Velo-city 2019 rappelait l’importance du vélo à tous les âges. Parmi les nombreux témoignages sur ce sujet, on retiendra le projet Suisse DÉFI VÉLO qui vise à faire redécouvrir le plaisir de la petite reine aux 15-20 ans – les ados sont aujourd’hui le public le plus difficile à toucher sur ce sujet. À noter également, le programme néerlandais Doortrappen qui incite non seulement les personnes âgées à reprendre leur vélo, mais qui les forme aussi à une pratique en toute sécurité du VAE, de plus en plus utilisé par cette tranche d’âge.

les cyclistes irlandaises à l’honneur pour la traditionnelle parade à vélo

Être heureux et en bonne santé grâce au vélo ?

600 000 décès par an seraient à attribuer au manque d’activité physique en Europe. Le vélo est un moyen très efficace pour agir à la fois sur ce problème, tout en étant bénéfique pour l’environnement. Cette affirmation était au cœur de tous les débats du congrès : « le vélo prévient de nombreuses maladies graves et chroniques, mais aussi de vivre plus longtemps » confirmait par ailleurs Orna Donoghue, responsable d’une étude sur le vieillissement au Trinity College de Dublin. Aujourd’hui, vélo et santé s’accordent donc de plus en plus dans les politiques publiques. À l’instar du programme Healthy Streets qui vise à améliorer la qualité de vie des Londoniens en les incitant à faire leurs trajets à pied, à vélo, ou en transport en commun. « D’ici 2041, 80% des trajets devront se faire via ces modes de déplacement » explique Lucy Saunders, directrice du programme. « La particularité de cette stratégie est qu’elle touche l’ensemble des services municipaux : le logement, la politique sociale, l’école, etc. ». Une stratégie ambitieuse et pensée pour être répliquée dans d’autres villes.

L’infrastructure, colonne vertébrale

« Faire du vélo ne devrait pas nécessiter un courage particulier » introduisait Burkhard Stork, Directeur de l’ADFC, lors d’une plénière sur les infrastructures cyclables. « Ce courage devrait plutôt transparaître dans les décisions politiques des élus en charge du développement des villes ». Velo-city l’a en effet rappelé : l’infrastructure est la colonne vertébrale d’un système vélo cohérent. Et cette infrastructure doit être ambitieuse. « Pour augmenter la part modale du vélo, la seule solution est de concevoir des aménagements qui réduisent les interactions entre les vélos et les autres véhicules » rappelle Jennifer Dill, professeure à l’Université de Portland. En plus du courage politique, une bonne infrastructure nécessite une planification à grande échelle. À ce sujet Xavier Brice, de Sustrans, a pu présenter le réseau national cyclable de Grande-Bretagne. Lancé en 1996, le réseau traverse l’ensemble du pays sur plus de 25 000 km. Aujourd’hui, deux tiers des itinéraires se trouvent sur des voies partagées qui ont vu leur fréquentation évoluer avec l’urbanisation. Résultat, elles ne sont souvent plus adaptées à la circulation des cyclistes. Les différents partenaires aspirent désormais à mettre en place un réseau entièrement séparé du trafic. Des leçons à tirer pour le Schéma national vélo français ?

Piste cyclable longeant la Liffey

Un tourisme plus durable

Camille Thomé à la Plénière sur le thème du tourisme à vélo

Le tourisme est aujourd’hui l’un de principaux facteurs de développement économique des pays européens : plus de 400 millions de visiteurs internationaux par an, pour 27.3 millions d’emplois. Mais nombreux sont aussi les effets négatifs : impact sur l’environnement, sur les transports, sur les logements, sur le coût de la vie, etc. Pour Adam Bodor de l’ECF, le vélo est une solution pour un tourisme plus durable : « les cyclotouristes sont beaucoup plus enclins à utiliser le train plutôt que l’avion. Ils sont sensibilisés à un tourisme plus raisonné, axé sur la santé, le bonheur, l’aventure, la découverte ». Le cyclotourisme a donc de beaux jours devant lui. Mais les itinéraires coûtent cher, et les pouvoirs publics n’ont pas toujours les moyens de les développer. L’occasion pour Ginny Sullivan, de l’Adventure Cycling Association aux États-Unis, de rappeler que d’autres acteurs en sont parfois capables : « la Walton family foundation, propriétaire historique de la chaîne de magasin Wallmart, a financé en 2018 la création de la High Country Route, un itinéraire de randonnée vélo de plus de 1700 km dans l’Arkansas ». Des exemples surprenants qui, s’ils ne sont pas toujours réplicables, témoignent de la variété des acteurs qui peuvent se mobiliser sur ce sujet.

 

Le vélo en Irlande

Velo-city, offre aussi d’explorer une culture vélo étrangère. Depuis le dernier Velo-City à Dublin en 2005, la situation semble avoir beaucoup évolué : « le vélo est désormais un mode de transport essentiel pour notre pays. Le nombre de cyclistes a triplé en 15 ans » explique Anne Graham, directrice générale de l’Autorité Nationale des Transports d’Irlande (NTA). Pendant longtemps, l’approche Irlandaise en matière de politique cyclable s’est limitée à la mise en place de voies mixtes vélo/bus. Les congressistes qui ont arpenté les rues de Dublin se sont souvent essayés à ces aménagements anxiogènes, voire complétement dissuasifs, pour les cyclistes. Mais on assure vouloir inverser la tendance. Le projet BusConnects, lancé par NTA en 2018 pour sécuriser les systèmes de bus des villes Irlandaises, prévoit entre autres la création de 200 km de pistes cyclables en 10 ans sur les principaux corridors de Dublin. Le projet s’inscrit dans une stratégie nationale plus ambitieuse : NTA œuvre aujourd’hui aux côtés des organisations locales pour faire évoluer les comportements. « Nous souhaitons développer une véritable culture vélo, de l’école jusqu’au lieu de travail en passant par l’université » explique Anne Graham. « L’avantage de Velo-City nous bénéficions sur ces sujets d’un véritable apprentissage accéléré ».

À l’occasion de la parade à vélo, les congressistes ont emprunté une partie de la piste cyclable de 22km qui longe la baie de Dublin de Sutton à Sandycove. Un aménagement ancien mais de qualité.

Côté cyclotourisme, l’Irlande est encore un diamant brut. Longtemps considéré comme un désert à la météo capricieuse, les préjugés disparaissent aujourd’hui peu à peu pour laisser place au fort potentiel de « tourisme vert » du territoire. La voie Verte de Waterford, inaugurée en 2017, profite déjà de plus 300 000 visiteurs/an. Fort de ce succès, le ministre des transports Irlandais a annoncé quelques jours avant le congrès l’octroi d’un financement pour 10 projets de voies vertes à travers tout le pays. « 40 millions d’euros viendront alimenter ce financement, dans le cadre du projet Irlande 2040, qui constitue la stratégie globale du gouvernement » a précisé le ministre Shane Ross. Un investissement qui permettra à l’Irlande de disposer, à terme, d’un réseau d’environ 500 km de voies vertes. Deux itinéraires européens sont d’ailleurs en cours de réalisation : l’EuroVelo 1 – Véloroute de l’Atlantique et l’EuroVelo 2 – Véloroute des Capitales. Cette dernière traverse le pays d’Est en Ouest, de Dublin à Galway. Elle permettra aux touristes de découvrir les paysages et les cultures des terres intérieures de l’Irlande, peu connues du grand public. À son image, l’ensemble de la stratégie de développement national des voies vertes de l’Irlande est aujourd’hui tournée vers le développement économique des communautés rurales : « venez découvrir nos paysages et la légendaire hospitalité des Irlandais » invitait Orla Caroll de Fáilte Ireland, agence de développement touristique nationale, en clôture de l’événement.

Antoine Coué

Association